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Non, le rap n’est pas un art de la dérision ou de la contestation. C’est une longue marche vers la
découverte de soi. Pour
s’en convaincre, il suffit d’écouter les chansons
de cet enfant de Casablanca, âgé de 24 ans, et connu sous le nom
de Dizzy Dros ...
Libé : Vous êtes connu sous le nom de Dizzy Dros. D’où vient ce nom ?
Dizzy Dros : Mon vrai nom est Omar Souhaily. Quant à Dizzy Dros, c’est un pseudo que j’ai adopté, voilà bientôt dix ans. Au début, je me faisais appeler Dros, tout court. Ce qui est une abréviation de «Da Rythme Of Street». Traduisez : le rythme de la rue. Mais c’était juste pour me marrer avec les copains du quartier. A l’époque, je ne caressais pas encore l’idée de devenir rappeur. Et puis un jour je me suis mis à écrire des textes. Et c’est à cette époque que j’ai réellement adopté ledit pseudo. Ensuite, il a bien fallu le compléter, ou plutôt l’esthétiser. Et c’est ainsi que c’est devenu Dizzy Dros.
Vous avez aussi un autre pseudo : «3azzy ». Ce qui veut dire « de couleur noire», dans notre darija marocain.
Oui, cela faisait partie de notre jargon de quartier. On découvrait alors la musique entre copains, et on était vraiment fasciné par le rap américain. Le terme « Nigga », qui veut dire « noir », était largement répandu, à l’époque, parmi les rappeurs, aux Etats-Unis. Et c’est ainsi que j’ai opté pour « 3azzy », qui est l’équivalent marocain de «Nigga».
Comment êtes-vous venu au rap ?
J’ai eu un parcours professionnel assez mouvementé, en réalité. Après avoir décroché un diplôme en maintenance industrielle, j’ai travaillé dans différentes boîtes. Cosumar, Coca-Cola, entre autres. Mais j’ai fini par me rendre à l’évidence : je n’étais pas fait pour démonter ou réparer, à longueur de journée, des machines défaillantes. D’autant plus que je rêvais, à l’époque, de faire carrière dans le monde de l’informatique. Il fallait donc changer de cap. Et en attendant, je m’étais contenté d’un poste de téléconseiller, dans un centre d’appels. Avant de me consacrer définitu rap.
Peut- on vivre du rap au Maroc ?
Ma réponse est non. Du moins, pour ce qui me concerne. Je gagne certes de l’argent grâce à mes concerts. Mais cela suffit à peine à couvrir les charges inhérentes à mes activités d’artiste. Je le dis donc sans ambages. Ce n’est pas le rap qui me fait vivre. Avant de quitter mon boulot de téléconseiller, je m’étais fait un petit pécule, pour pouvoir subsister durant au moins six mois, durée qui me paraissait alors nécessaire pour produire mon premier album. Bien entendu, j’ai mis bien plus que six mois à le produire. Et j’ai dû me débrouiller ça et là pour vivre.
Parlons justement de votre album, sorti tout récemment, et intitulé : « 3azzy 3ando stylo ». Surprenant comme titre, non ?
Pour le terme «3azzy», je me suis inspiré du «Nigga» des Américains, comme je viens de le préciser. Quant au titre dans son intégralité, «3azzy 3ando stylo», comment vous l’expliquer ? Voyons. Cet album évoque la vie d’un gars de 24 ans. Un enfant de Casablanca, qui vit à sa manière. Qui refuse énergiquement toute mainmise sur sa liberté. Et qui a son propre style, aussi bien dans l’art que dans la vie de tous les jours. C’est pour cela que je parle de « Stylo », c’est-à-dire de son style à lui, en darija marocain. Mais certains ont cru qu’il s’agit du stylo dans l’acception française de ce terme. Ce double sens me convient tout à fait, bien qu’il soit le fruit d’un pur hasard.
Cet album est une autoproduction. Qu’est-ce qui a dicté ce choix ?
Dans notre pays, il y a peu de labels qui seraient tentés par le rap. C’est ce qui explique en partie ce choix forcé de l’autoproduction. Non sans avoir fait auparavant maintes démarches auprès de certains labels prestigieux. Je leur ai présenté mon album. Certains responsables se sont emballés au début. Mais leur enthousiasme a été assez fugace. Et aucune de leurs promesses n’a été tenue. Mais il fallait bien essayer. Et puis, cela m’est complètement égal au fond. Je dirais même que l’autoproduction n’est pas dénuée d’intérêt. Elle me permet de préserver ma liberté. De m’exprimer comme je l’entends. Personne ne vient se mêler de mes textes, ou de ma production artistique. Dieu merci, j’ai rencontré des gens qui étaient dans la même situation que moi. Et qui partageaient mes points de vue. Aussi bien parmi les instrumentaux, que les techniciens d’enregistrement ou les autres intervenants.
Vous avez déboursé de l’argent pour produire votre album. Et après, vous l’avez mis gracieusement à la disposition des internautes, sur Youtube. Cela parait assez curieux, n’est- ce pas ?
Ecoutez, un artiste doit s’adresser au plus large public qui soit. Et il n’y a pas mieux qu’Internet pour assurer une très large diffusion. Je ne suis pas de ceux qui produisent un CD et qui attendent que les autres veuillent bien l’acheter. Non. Il y a des gens nécessiteux, qui ne peuvent pas se permettre le luxe d’acheter des CD. Il y a aussi ceux qui vivent dans des bourgades éloignées, où les CD ne sont pas monnaie courante. Ceci dit, il y a plein de gens qui n’ont pas hésité à acheter mon CD, histoire de me soutenir. Et ce malgré l’accès gratuit sur Internet. A titre d’exemple : la semaine dernière, lors de notre «Showcase», nous avons pu écouler 500 CD sur les 1000 que nous avons sortis.
Vous vous distinguez par votre «Gangsta-attitude», comme on dit dans le jargon des rappeurs. Penchant naturel ou pure imitation ?
Il ne s’agit certainement pas de la fameuse «Gangsta-attitude» des rappeurs américains. Avec ceinturon, flingue et tout ça. Disons plutôt que c’est une «Gangsta-attitude» bien à moi, à la marocaine, que j’ai progressivement adoptée, en découvrant le rap. Et en subissant l’influence de certains artistes de gros calibre, comme West Coast, Snoop Dog. Mais le premier rappeur à m’avoir véritablement émerveillé, sur ce plan, c’était Eminem, cet immense artiste qui a marqué le rap moderne de son empreinte.
Votre unique clip «Casafonia» a connu un beau succès auprès du public. A quand le prochain clip ?
J’ai effectivement quelques story-boards dans mon tiroir. Je n’en dévoilerai pas le contenu pour le moment. Mais un clip, ça coûte de l’argent, bien entendu. Et je ne tiens certainement pas à revivre l’expérience de “Casafonia”, pour lequel j’ai dépensé beaucoup d’argent. En pure perte. Espérons donc qu’il y aura bien un sponsor qui voudrait en assurer la production.
Quel regard portez-vous sur le rap au Maroc, à l’heure actuelle ?
Je suis persuadé que les événements dramatiques de Casablanca, en 2003, ont conduit peu à peu à un nouveau climat politique et social dans notre pays. Les jeunes se sont mis à la recherche d’autres moyens d’expression. Et c’est dans ce cadre que le rap a pu se développer, pour atteindre son apogée en 2006. A cette époque, des artistes de valeur faisaient sortir des albums d’une grande qualité. Je pourrai citer quelques noms, comme Don Bigg, Muslim, H-kayn, et Casa Crew. Et puis on a constaté une certaine décadence par la suite. Fort heureusement, les artistes de la Nouvelle Vague ont pu donner une formidable impulsion au rap, durant ces deux dernières années. A ce propos, je trouve qu’un groupe comme « Shayfeen» se distingue particulièrement par son entrain et son brio. Parmi les artistes de l’ancienne génération, il y a certains rappeurs, comme Mobydick et Muslim, qui font preuve d’une rare constance.
découverte de soi. Pour
s’en convaincre, il suffit d’écouter les chansons
de cet enfant de Casablanca, âgé de 24 ans, et connu sous le nom
de Dizzy Dros ...
Libé : Vous êtes connu sous le nom de Dizzy Dros. D’où vient ce nom ?
Dizzy Dros : Mon vrai nom est Omar Souhaily. Quant à Dizzy Dros, c’est un pseudo que j’ai adopté, voilà bientôt dix ans. Au début, je me faisais appeler Dros, tout court. Ce qui est une abréviation de «Da Rythme Of Street». Traduisez : le rythme de la rue. Mais c’était juste pour me marrer avec les copains du quartier. A l’époque, je ne caressais pas encore l’idée de devenir rappeur. Et puis un jour je me suis mis à écrire des textes. Et c’est à cette époque que j’ai réellement adopté ledit pseudo. Ensuite, il a bien fallu le compléter, ou plutôt l’esthétiser. Et c’est ainsi que c’est devenu Dizzy Dros.
Vous avez aussi un autre pseudo : «3azzy ». Ce qui veut dire « de couleur noire», dans notre darija marocain.
Oui, cela faisait partie de notre jargon de quartier. On découvrait alors la musique entre copains, et on était vraiment fasciné par le rap américain. Le terme « Nigga », qui veut dire « noir », était largement répandu, à l’époque, parmi les rappeurs, aux Etats-Unis. Et c’est ainsi que j’ai opté pour « 3azzy », qui est l’équivalent marocain de «Nigga».
Comment êtes-vous venu au rap ?
J’ai eu un parcours professionnel assez mouvementé, en réalité. Après avoir décroché un diplôme en maintenance industrielle, j’ai travaillé dans différentes boîtes. Cosumar, Coca-Cola, entre autres. Mais j’ai fini par me rendre à l’évidence : je n’étais pas fait pour démonter ou réparer, à longueur de journée, des machines défaillantes. D’autant plus que je rêvais, à l’époque, de faire carrière dans le monde de l’informatique. Il fallait donc changer de cap. Et en attendant, je m’étais contenté d’un poste de téléconseiller, dans un centre d’appels. Avant de me consacrer définitu rap.
Peut- on vivre du rap au Maroc ?
Ma réponse est non. Du moins, pour ce qui me concerne. Je gagne certes de l’argent grâce à mes concerts. Mais cela suffit à peine à couvrir les charges inhérentes à mes activités d’artiste. Je le dis donc sans ambages. Ce n’est pas le rap qui me fait vivre. Avant de quitter mon boulot de téléconseiller, je m’étais fait un petit pécule, pour pouvoir subsister durant au moins six mois, durée qui me paraissait alors nécessaire pour produire mon premier album. Bien entendu, j’ai mis bien plus que six mois à le produire. Et j’ai dû me débrouiller ça et là pour vivre.
Parlons justement de votre album, sorti tout récemment, et intitulé : « 3azzy 3ando stylo ». Surprenant comme titre, non ?
Pour le terme «3azzy», je me suis inspiré du «Nigga» des Américains, comme je viens de le préciser. Quant au titre dans son intégralité, «3azzy 3ando stylo», comment vous l’expliquer ? Voyons. Cet album évoque la vie d’un gars de 24 ans. Un enfant de Casablanca, qui vit à sa manière. Qui refuse énergiquement toute mainmise sur sa liberté. Et qui a son propre style, aussi bien dans l’art que dans la vie de tous les jours. C’est pour cela que je parle de « Stylo », c’est-à-dire de son style à lui, en darija marocain. Mais certains ont cru qu’il s’agit du stylo dans l’acception française de ce terme. Ce double sens me convient tout à fait, bien qu’il soit le fruit d’un pur hasard.
Cet album est une autoproduction. Qu’est-ce qui a dicté ce choix ?
Dans notre pays, il y a peu de labels qui seraient tentés par le rap. C’est ce qui explique en partie ce choix forcé de l’autoproduction. Non sans avoir fait auparavant maintes démarches auprès de certains labels prestigieux. Je leur ai présenté mon album. Certains responsables se sont emballés au début. Mais leur enthousiasme a été assez fugace. Et aucune de leurs promesses n’a été tenue. Mais il fallait bien essayer. Et puis, cela m’est complètement égal au fond. Je dirais même que l’autoproduction n’est pas dénuée d’intérêt. Elle me permet de préserver ma liberté. De m’exprimer comme je l’entends. Personne ne vient se mêler de mes textes, ou de ma production artistique. Dieu merci, j’ai rencontré des gens qui étaient dans la même situation que moi. Et qui partageaient mes points de vue. Aussi bien parmi les instrumentaux, que les techniciens d’enregistrement ou les autres intervenants.
Vous avez déboursé de l’argent pour produire votre album. Et après, vous l’avez mis gracieusement à la disposition des internautes, sur Youtube. Cela parait assez curieux, n’est- ce pas ?
Ecoutez, un artiste doit s’adresser au plus large public qui soit. Et il n’y a pas mieux qu’Internet pour assurer une très large diffusion. Je ne suis pas de ceux qui produisent un CD et qui attendent que les autres veuillent bien l’acheter. Non. Il y a des gens nécessiteux, qui ne peuvent pas se permettre le luxe d’acheter des CD. Il y a aussi ceux qui vivent dans des bourgades éloignées, où les CD ne sont pas monnaie courante. Ceci dit, il y a plein de gens qui n’ont pas hésité à acheter mon CD, histoire de me soutenir. Et ce malgré l’accès gratuit sur Internet. A titre d’exemple : la semaine dernière, lors de notre «Showcase», nous avons pu écouler 500 CD sur les 1000 que nous avons sortis.
Vous vous distinguez par votre «Gangsta-attitude», comme on dit dans le jargon des rappeurs. Penchant naturel ou pure imitation ?
Il ne s’agit certainement pas de la fameuse «Gangsta-attitude» des rappeurs américains. Avec ceinturon, flingue et tout ça. Disons plutôt que c’est une «Gangsta-attitude» bien à moi, à la marocaine, que j’ai progressivement adoptée, en découvrant le rap. Et en subissant l’influence de certains artistes de gros calibre, comme West Coast, Snoop Dog. Mais le premier rappeur à m’avoir véritablement émerveillé, sur ce plan, c’était Eminem, cet immense artiste qui a marqué le rap moderne de son empreinte.
Votre unique clip «Casafonia» a connu un beau succès auprès du public. A quand le prochain clip ?
J’ai effectivement quelques story-boards dans mon tiroir. Je n’en dévoilerai pas le contenu pour le moment. Mais un clip, ça coûte de l’argent, bien entendu. Et je ne tiens certainement pas à revivre l’expérience de “Casafonia”, pour lequel j’ai dépensé beaucoup d’argent. En pure perte. Espérons donc qu’il y aura bien un sponsor qui voudrait en assurer la production.
Quel regard portez-vous sur le rap au Maroc, à l’heure actuelle ?
Je suis persuadé que les événements dramatiques de Casablanca, en 2003, ont conduit peu à peu à un nouveau climat politique et social dans notre pays. Les jeunes se sont mis à la recherche d’autres moyens d’expression. Et c’est dans ce cadre que le rap a pu se développer, pour atteindre son apogée en 2006. A cette époque, des artistes de valeur faisaient sortir des albums d’une grande qualité. Je pourrai citer quelques noms, comme Don Bigg, Muslim, H-kayn, et Casa Crew. Et puis on a constaté une certaine décadence par la suite. Fort heureusement, les artistes de la Nouvelle Vague ont pu donner une formidable impulsion au rap, durant ces deux dernières années. A ce propos, je trouve qu’un groupe comme « Shayfeen» se distingue particulièrement par son entrain et son brio. Parmi les artistes de l’ancienne génération, il y a certains rappeurs, comme Mobydick et Muslim, qui font preuve d’une rare constance.