Le chemin de croix des migrants au Maroc

Malgré ses nombreux points positifs, la deuxième phase de régularisation pèche par sa rigueur bureaucratique


Hassan Bentaleb
Mercredi 28 Décembre 2016

Il n’y aura pas de régularisation massive des migrants irréguliers au Maroc. Seules les femmes, les mineurs non accompagnés et les personnes atteintes de maladies graves bénéficieront d’une régularisation automatique. Les critères en demeurent identiques  et il n’y aura pas d’assouplissement. C’est ce qui ressort des dernières réunions entre le ministère des MRE et des Affaires de la migration, le CNDH et les représentants des ONG œuvrant dans le domaine de la  défense des droits des migrants.      
Ainsi, l'opération de régularisation concernera-t-elle uniquement les conjoints des ressortissants marocains, les conjoints des étrangers en résidence régulière au Maroc, les enfants issus de ces deux cas, les étrangers disposant de contrats de travail effectifs et ceux qui justifient de 5 ans de résidence continue au Maroc, ainsi que les étrangers atteints de maladies graves. Ces personnes sont appelées, à l’instar de la première opération, à déposer leurs demandes auprès des bureaux des étrangers ; lesquelles seront  examinées par une commission qui se réunira de manière régulière et donnera, dans un délai ne dépassant pas deux mois à compter de la date du dépôt du dossier, son avis motivé sur la suite à donner à la demande de régularisation (avis favorable ou défavorable).
«Ainsi, il n’y a pas eu de changement au niveau des critères de régularisation. Pour le ministère des MRE et des Affaires de la migration et le CNDH, les anciens critères ont permis la régularisation de 85% des demandes déposées et on ne change pas une recette qui marche », nous a indiqué Blaise Mayemba Mpembele, président de APIMA et porte-parole d’UMT-immigrés. « Nous avons demandé à savoir pourquoi il n’y avait pas modification des critères, mais on n’a pas eu droit à une réponse claire et précise puisque le ministre s’est contenté de nous parler d’autres expériences internationales sans faire le lien avec la marocaine », nous a, pour sa part, précisé Reuben Odoi,  président du Collectif des communautés subsahariennes au Maroc (CCSM).
Le manque d’informations concerne également le sort des 8% de demandes rejetées lors de la première opération de régularisation.  « Pour le moment, on n’a pas de réponse précise de la part des autorités, mais on souhaite qu’elles soient les premières à être régularisées. D’autant plus que nombre des personnes qui les ont déposées vivent au Maroc depuis des années et parlent bien la darija. Certains d’entre eux ont aujourd’hui des problèmes de renouvellement de leurs contrats de  travail ou à trouver un nouvel emploi», nous a expliqué le président du CCSM. Même son de cloche de la part du président d’APIMA qui s’interroge sur les vraies causes qui ont sous-tendu le rejet  des dossiers de ces personnes et estime qu’elles devraient avoir le droit de renouveler leurs demandes.
La question de la régularisation massive des femmes a suscité également le débat. Nos sources pensent que les consignes  concernant cette opération ne sont pas respectées. «Malgré les instructions stipulant un traitement favorable des dossiers des femmes migrantes, plusieurs d’entre elles se sont trouvées obligées de se soumettre aux mêmes critères demandés aux hommes et c’est pourquoi  nous avons demandé au ministre des MRE et des Affaires de la migration de discuter de ce dossier avec son collègue de l’Intérieur », nous a affirmé Blaise Mayemba Mpembele. Un avis que partage Helène Mariam Yamta, présidente de la Voix des femmes migrantes au Maroc qui nous a déclaré que l’information ne passe pas bien au niveau du personnel des bureaux des étrangers. «Certains fonctionnaires ne prennent pas compte des instructions et nous avons été informées de cas de plusieurs femmes qui n’ont pas bénéficié de la précédente opération de régularisation à cause de ce genre de fonctionnaires qui appliquent à la lettre les critères requis», nous a-t-elle confié.
Le même constat est relevé par Reuben Odoi  qui juge que le personnel des bureaux des étrangers manque de formation et qu’il s’attache à une application rigide de la circulaire ministérielle. «Les migrants rencontrent des problèmes lors du dépôt de leurs dossiers. Nous avons constaté des difficultés au niveau des villes de Casablanca et de Fès. Certains migrants ont été contraints de changer d’adresse ou de mentir à cause  de la rigidité des fonctionnaires censés enregistrer leurs demandes. Certains ont même été surpris de découvrir l’existence de critères  qui ne  figurent pas sur la liste officielle», nous a-t-il déclaré. Et de poursuivre : « Tel est le cas également des femmes qui sont prioritaires en théorie mais non dans la réalité.   Les fonctionnaires  n’ont pas l’information requise et prétendent souvent exécuter les ordres ». « Il faut harmoniser la décision politique avec  son exécution administrative. Il y a manque de coordination entre le ministère des MRE et celui de l’Intérieur. Ils ne parlent pas le même langage», a jugé le président d’APIMA.
De son côté Gnaqo stéphane, président de Force africaine pour la solidarité, l’éducation et le développement (FASED), a appelé à un engagement des politiques à accompagner la mise en place des instructions Royales concernant la deuxième phase de l’opération de régularisation des migrants en situation administrative irrégulière. «Nous sommes ravis que cette deuxième phase ait été lancée mais il faut maintenant trouver des solutions rapides et proactives à même de permettre l’accès du plus grand nombre de migrants à cette opération et, pourquoi pas, fixer une date pour que tous les migrants qui sont sur le territoire  marocain soient régularisés», a-t-il conclu.


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