La commission du programme électoral de l'USFP organise un atelier à Rabat : Quelles réformes pour quel enseignement ?


Nezha MOUNIR
Lundi 26 Septembre 2011

La commission du programme électoral de l'USFP organise un atelier à Rabat :  Quelles réformes pour quel enseignement ?
Le système de l'enseignement et de la formation a besoin d'une cure de jouvence afin de le « décrasser » de toutes les altérations qui l'ont entaché des années durant. Seule une réforme bien structurée est à envisager. Quels en sont les ingrédients? Les intervenants sont arrivés avec plein d'idées et de suggestions à l'atelier organisé par la commission du programme électoral de l'USFP sous le thème : « Le système de l'éducation et de la formation face aux défis de l'équité, de la qualité et du développement durable ». Malgré toutes les déficiences enregistrées, ils demeurent optimistes quant à l'avenir.
«La question de l'enseignement a toujours été d'une importance cruciale pour l'USFP »,  a indiqué  Habib El Malki à l'ouverture de la séance. C’est plus l'affaire de politiques que d'experts ou de techniciens et constitue un accès à toute réforme qu'elle soit politique, économique ou culturelle. Déjà en 1957, le leader socialiste Mehdi Ben Barka a présidé la Commission Royale pour la réforme de l'enseignement qui a posé les bases de la politique de l'enseignement au Maroc. Lui-même a toujours répété que « les nations qui manquent de chercheurs et de savants ne méritent que l'asservissement ». « Depuis lors, beaucoup d'efforts ont été déployés, affirme Habib El Malki, mais demeurent insuffisants». A ce stade, une intervention du parti s'avère nécessaire afin de redonner un nouveau souffle au mouvement de réforme pour les dix ans à venir. Cela se fera peut-être à travers  « l'établissement d'un nouveau contrat entre l'école et la société » dont les principaux éléments se présentent comme suit : lutter contre le discrédit dont fait l'objet l'école publique en rétablissant la confiance de la société dans cette institution;  se rendre à l'évidence que les problèmes de l'enseignement ne sauraient trouver une solution sectorielle mais plutôt globale et veiller à ce que l'école redevienne une vraie institution, qualité qu'elle a perdue de par l'absence du pouvoir administratif et pédagogique. Ce qui a débouché sur un « divorce consommé » entre l'enseignant et la société. Mais en fait qu'attend-on d'un établissement scolaire? Tout simplement d'armer les citoyens pour un lendemain meilleur, conclut-il
Said Hachnane, chercheur spécialiste de l'évaluation des politiques publiques dans les domaines de l'éducation et de la formation, aborde le sujet avec une vision d'économiste. De par les divers travaux qu'il a entrepris et des rapports établis, il suggère quelques réformes.  « Afin de rattraper les pays émergents (Brésil, Turquie, Mexique, Espagne), le Maroc se doit de diminuer  l'indice d'inégalité de l'éducation qui tourne autour de 57-60 pour le ramener à 30 en vigueur dans ces pays, augmenter la moyenne de scolarisation,  actuellement de 5 ans, pour atteindre au moins 7 ans. Le revenu par tête, quant à lui, devrait tripler pour passer de 3300 à 8300 dollars.  Est-ce réalisable ? Oui, affirme M. Hanchane. Tout d'abord par une formation progressive d'une classe moyenne instruite bénéficiant des fruits de la croissance et ce, à travers une action urgente de la politique publique. Veiller à l'augmentation des allocations et réduire les inégalités. Il faut également agir sur la moyenne de scolarisation de «  la génération charte », c'est-à-dire la population jeune de 15-24 en essayant de la garder au moins 14 ans à l'école (pour atteindre  le bac).  A titre d'exemple, cette moyenne est de 16 ans en Espagne et de  11 ans en Turquie. Il faut  lutter contre la stratification sociale par une politique publique territoriale. Quant aux sortants sans qualification  15-34, sur une population de 9 millions, ils ont atteint un  taux  de 91% en 2000. Mais l'orateur demeure cependant optimiste car l'Espagne qui affichait le même taux, s'en est bien sortie.  
« Cachez cette université que je ne saurais voir ». C'est ainsi que Hafid Boutaleb, ancien président de l'Université Mohammed V, aborde son intervention sur l'Université marocaine à la recherche d'un modèle. « L'image que renvoie l'Université est fort mitigée. On attend beaucoup de cette institution alors qu'on ne lui accorde pas les moyens suffisants », avance-t-il. Néanmoins, on assiste à une mobilisation miraculeuse ininterrompue par la multiplicité des initiatives, la recherche de solutions pour répondre aux attentes de développement de coopération externes. Pour M. Boutaleb, les Universités publiques souffrent d'un important sous-financement et ont besoin d'une autonomie indispensable à leurs nouvelles missions. Il s'agit d'une autonomie contractuelle accompagnée d'une obligation de résultat. D'un autre côté, il insiste sur le fait que «la recherche scientifique  occupe une place importante et à part au sein de l'enseignement supérieur et ne peut être considérée comme un produit dérivé. L'importance démocratique et économique de l'enseignement supérieur et de la recherche est aujourd'hui pleinement reconnue. «  D'aucuns réduisent la démocratisation de l'enseignement supérieur à la massification et opposent celle-ci à la qualité », ajoute-t-il. Pour entrevoir des lendemains meilleures pour l'Université, il faut envisager un investissement financier massif aussi bien de la part de l'Etat que des collectivités locales et des entreprises et inciter les grandes écoles à se fédérer.
Tijanya Fartat, directrice de l'Académie de Rabat-Salé-Zemmour-Zaërs, avance, quant à elle, que parler de l'école n'est pas chose aisée. « Le défi de la réforme est la réalisation de l'école de la réussite rendue difficile par la massification », ajoute-t-elle. Il va de soi que l'école doit armer l'élève pour toute sa vie et  ne se résume nullement à un simple accès à la scolarisation. Malgré tous les efforts déployés, les résultats ne sont pas au rendez-vous. Certes des acquis sont là et se concrétisent par la démocratisation de l'école mais en même temps les déficits ne sont pas négligeables : décrochage, redoublement. L'instauration d'un plan d'urgence 2009-2012 a été accueilli comme un nouveau souffle de la réforme, conclut-elle
Le volet de la formation professionnelle a fait l'objet de l'intervention de  Driss Yacoubi qui n'a pas manqué de relever la spécificité de ce secteur. En effet, d'après lui, on ne se trouve pas en présence d'un système de formation professionnelle mais de plusieurs. « Ainsi, la multiplicité des références dirigeant  la politique publique, à savoir : la charte nationale, le plan d'urgence, la stratégie sectorielle, l'INDH… , la multiplicité des intervenants (ministères, entreprises..) et des  moyens de financement, constituent un lourd handicap », ajoute M. Yacoubi. Il  estime qu'il est temps d'établir une certaine harmonie dans ce domaine. « A cet effet et pour les dix ans à venir, il s'avère nécessaire d'établir un cadre institutionnel afin de définir la place de la formation professionnelle dans le système de l'enseignement. Il faut  également instituer une certaine ouverture sur l'enseignement supérieur, adopter un système d'alternance réelle et instaurer un référentiel qualité ainsi qu'une formation continue », conclut-il.
Le regard du syndicaliste, Aziz Iwi, secrétaire général du Syndicat national de l'enseignement, ne peut évidemment qu'être différent. Il a fait un tour d'horizon de l'évolution de l'enseignement à travers les divers gouvernements. Beaucoup de difficultés n'ont pas manqué d'entraver le processus. « Le manque de ressources humaines s'est fait beaucoup ressentir, précise-t-il, notamment après l'opération de départ volontaire. En 2011 les besoins en nombre d'enseignants sont de 13.000 et le gouvernement actuel n'a établi aucune politique relative aux ressources humaines. Où en sommes-nous de l'école de l'équité ?, entonne-t-il.  Peut-on en parler réellement alors que l'école publique souffre d'une concurrence déloyale de la part des établissements privés et que les enfants des nantis ne fréquentent pas l'école publique où le problème des langues se pose avec acuité?
Mohamed Darwiche, secrétaire général du Syndicat national de l'enseignement supérieur, abonde dans le même sens. Pour lui, le Maroc traverse une crise de valeurs. «  Depuis les années 60, l'USFP a fait du dossier de l'enseignement son cheval de bataille et continue d'ailleurs à jouer un rôle important dans ce domaine. Et afin d’aller de l'avant, quelques initiatives s'imposent, à savoir : réviser la charte nationale, réviser la carte universitaire (une université pour chaque région), résoudre le problème des langues, unifier l'enseignement supérieur », ajoute-t-il. Driss Laraqui, quant à lui, précise qu'après l'indépendance une volonté nationale très accentuée  a milité  pour l'épanouissement des citoyens à travers  l'enseignement. « Mais une rupture a été malheureusement enregistrée et le processus entamé a été arrêté notamment en ce qui concerne l'unification, la généralisation et l'arabisation de l'enseignement ». Selon lui,  même la formation professionnelle qui connaissait un grand essor en a pâti. « Si on entreprend une évaluation actuelle de la situation de l'enseignement, le bilan demeure quand même positif, ne serait-ce que par rapport à la diminution du taux d'alphabétisation mais il y a des déperditions en cours de route», ajoute-t-il. D'un autre côté, il faut signaler également la faiblesse de l'offre de l'enseignement quant aux ressources humaines. Ceci est d'autant plus important que la nouvelle Constitution a institué l'obligation de l'enseignement qui devrait être de qualité, cela va sans dire», conclut-il


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