L’année 2012 sera décisive. L’Afrique du Sud fait concurrence à l’Australie pour abriter ce radiotélescope d’une puissance 50 à 100 fois supérieure à celle des appareils actuels, capable d’observer plus en profondeur les galaxies et de comprendre ce qui s’est passé après le big bang.
Au plus tard début mars, elle saura si le site qu’elle propose dans le désert du Karoo est retenu par la communauté scientifique.
La décision finale sera ensuite politique et financière pour ce projet porté par plusieurs pays bailleurs dont le coût grimpera probablement à 2 milliards de dollars et qui sera un puissant catalyseur industriel et universitaire.
2012 marquera aussi le début de la construction en Afrique du Sud d’un radiotélescope de 64 antennes, le MeerKAT, qui sera parmi les cinq plus précis du monde et dont les créneaux d’observation sont déjà réservés pour cinq ans.
Un prototype, le KAT-7, a déjà été implanté dans le Karoo, dans une zone semi-désertique déclarée “Réserve radio astronomique” en 2007 par une loi qui donne pouvoir au gouvernement de restreindre toute activité parasite.
C’est dans ce paysage de silence et de rocaille, décor de western sans saloon, à peine égayé de touffes d’épineux desséchés, de quelques moutons et serpents que se dresse le précurseur du prototype du futur.
Le site, où il n’y avait rien il y a encore huit ans, est à une heure de route de la première localité. Sept antennes paraboliques inclinent leurs jupes blanches vers le ciel pour capter les signaux de l’univers dans un petit bruit de réfrigérateur.
“Nous sommes vraiment au milieu de nulle part”, explique Justin Jonas, l’ingénieur-astronome pilote du projet SKA Africa. “C’est parfait pour nous, cela signifie moins de gens, moins de téléphones portables, moins d’interférences”, dit-il.
Avec le bureau d’ingénierie au Cap, les chercheurs sur place inventent, testent les procédures de fonctionnement, calibrent les appareils, vérifient qu’ils enregistrent les galaxies aux bons endroits.
“Si on regarde les critères, on est au niveau des Australiens, mais on est une équipe jeune et enthousiaste. On a construit KAT-7 en cinq ans, c’est immense”, plaide Nadeem Oozeer, 36 ans, un chercheur de l’île Maurice, l’un des huit pays africains participant au SKA Africa, avec le Ghana, le Kenya, Madagascar, le Mozambique, la Namibie et la Zambie.
“Avec un tel projet, on ne gagne pas d’argent mais beaucoup plus. On développe l’aspect scientifique. A Maurice, on a produits cinq doctorants en astronomie. Pourquoi pas un prix Nobel africain?”, dit-il. “La lumière vient du passé”, explique-t-il encore. Plus les ondes ont cheminé longtemps, plus l’objet céleste est éloigné et plus il est ancien.
Le radiotélescope du futur permettra donc de voir plus loin dans le passé, comme un archéologue fouillant dans les couches toujours plus profondes du sol.
L’argent public se raréfie, et les Etats-Unis ont jeté l’éponge l’an dernier, laissant d’autres pays bailleurs œuvrer au projet SKA (Australie, Nouvelle-Zélande, Afrique du Sud, Grande-Bretagne, Pays-Bas, Chine, Canada, Italie, et peut-être l’Inde) mais l’Afrique du Sud ne désarme pas.
Elle affirme présenter une facture moins élevée que le site australien de Mileura.
Restent cependant les préjugés et le “pessimisme à l’égard de l’Afrique”, reconnaît le vice-ministre sud-africain des Sciences, Derek Hanekom. Son gouvernement a déjà investi 635 millions de rands (75 millions de dollars) en sept ans et prévoit de continuer au rythme de 500 millions de rands par an (59 millions de dollars) d’ici 2016 pour achever la construction du MeerKAT.
“Nous pensons que nous sommes le pays idéal pour accueillir avec succès le SKA, nous faisons jeu égal avec les meilleurs dans le monde”, ajoute M. Hanekom. “Mais quoi qu’il arrive nous avançons et nous ferons de la grande astronomie, avec ou sans le SKA”.