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Nous avons réalisé cette interview à l’occasion de la visite du philosophe autrichien Hans Köchler dans notre pays, pour animer deux conférences le 5 février à l’Ecole supérieure de traduction Roi Fahd à Tanger sous le thème: «La compréhension personnelle de sa propre culture et la coexistence. Conditions d’un dialogue fondamental» et au département de philosophie de la Faculté des lettres et des sciences humaines Ben Msik de Casablanca sous le thème: «Heidegger et l’appréhension de l’Etre. Entre la destruction métaphysique et le doute phénoménologique». Hans Koechler n’est pas étranger à la scène culturelle et philosophique marocaine, d’autant qu’il effectue des visites régulières au Maroc. Ses œuvres sont traduites en plusieurs langues .
Libé: Le lecteur arabe découvre dans votre ouvrage: «Le doute et la critique de la société dans la pensée de Martin Heidegger», publié au Liban par les éditions «Jadawel». Le livre analyse la dimension politique dans la philosophie de Heidegger. Qu’est-ce qu’il a critiqué dans la politique occidentale?
Hans Koechler : La critique de Heidegger de cette politique était indirecte. Elle est le résultat avant tout de sa critique fondamentale de «la volonté de puissance/de force», contenue dans la civilisation technique en général. L’intérêt exagéré de l’homme occidental à mettre tout sous son contrôle, a conduit Heidegger à refuser la maîtrise de la nature selon la volonté de l’homme. Cet intérêt est l’expression nette de l’aliénation de l’homme.
Vous parlez dans le même ouvrage de la position de Heidegger envers la religion. Est-ce que la philosophie est contre la religion par principe/en principe?
Tant qu’on ne mélange pas entre la philosophie et la religion, il n’y a pas d’opposition entre les deux. Ce que la philosophie n’atteindra jamais, quel que soit le développement de ses méthodes de travail, c’est l’aboutissement à la dernière certitude comme le soutient la religion. Elle n’a pas le droit de dire quoi que ce soit sur la révélation, car ce n’est pas son domaine. Mais la philosophie est très importante lorsqu’il s’agit du dialogue entre les religions et en particulier en ce qui concerne la métaphysique.
Dans votre ouvrage : «Le droit pénal international à la croisée des chemins: justice internationale ou vengeance générale?», vous faites part de la méthode avec laquelle les grandes puissances mondiales usent de la loi des punitions en leur faveur. Quels sont les mécanismes de cette exploitation?
L’usage du pouvoir politique par les grandes puissances contredit totalement le principe de l’égalité et de la coopération pacifique entre les nations, telles qu’elles sont stipulées par la Charte des Nations unies. Le problème est que cette Charte onusienne est imposée par les pays vainqueurs de la Seconde Guerre mondiale. Et comme les cinq membres permanents du Conseil de sécurité jouissent du droit de veto, il leur est possible et facile d’exploiter les Nations unies pour préserver leurs intérêts et leurs privilèges.
Que pensez-vous de l’appel lancé aux pays arabes portant sur la traduction de vos œuvres philosophiques?
Cet appel a été lancé par un intellectuel austro-marocain, en l’occurrence Hamid Lechhab à travers son introduction de la traduction de mon livre : «La crispation de la relation entre les musulmans et l’Occident: causes et solutions». Cet appel est un honneur pour moi; il est plein de reconnaissance et de considération pour tous les intellectuels occidentaux, qui ne sont pas aveuglés par leurs idéologies qui naviguent dans leur égocentrisme.
A votre avis, pourquoi la philosophie germanophone a-t-elle une relation plutôt positive avec le monde musulman en comparaison avec d’autres courants philosophiques Occidentaux ?
Je crois que l’une des causes, fait que les germanophones n’avaient pas de passé colonialiste en rapport avec le monde musulman. Mais le plus important, je pense, c’est que l’intérêt intellectuel des deux se rapproche, car le principe idéaliste de la philosophie germanophone trouve un écho dans la philosophie arabo-musulmane du Moyen-Age.
Propos recueillis par
Repères
Hans Koechler est parmi les rares spécialistes de la philosophie du droit et de la politique, où il est venu de son plein gré, «armé» et convaincu de la philosophie heideggérienne, qui l’a occupé pendant des décennies, en tant que professeur de philosophie à l’Université d’Innsbruck ou comme auteur de plusieurs recherches et livres sur la philosophie de Heidegger. Cette dernière lui a ouvert des horizons pour dépasser la philosophie «européenne», fondée sur une subjectivé métaphysique et sur la volonté du pouvoir et la tentative de maîtriser la nature, y compris l’homme. C’est cette philosophie qui lui a permis d’embrasser une philosophie humaniste, ouverte sur différentes cultures et civilisations et croyant au principe du droit de tous les peuples à une vie de dignité et d’égalité dans les devoirs et droits devant le droit international.
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Hans Koechler : La critique de Heidegger de cette politique était indirecte. Elle est le résultat avant tout de sa critique fondamentale de «la volonté de puissance/de force», contenue dans la civilisation technique en général. L’intérêt exagéré de l’homme occidental à mettre tout sous son contrôle, a conduit Heidegger à refuser la maîtrise de la nature selon la volonté de l’homme. Cet intérêt est l’expression nette de l’aliénation de l’homme.
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L’usage du pouvoir politique par les grandes puissances contredit totalement le principe de l’égalité et de la coopération pacifique entre les nations, telles qu’elles sont stipulées par la Charte des Nations unies. Le problème est que cette Charte onusienne est imposée par les pays vainqueurs de la Seconde Guerre mondiale. Et comme les cinq membres permanents du Conseil de sécurité jouissent du droit de veto, il leur est possible et facile d’exploiter les Nations unies pour préserver leurs intérêts et leurs privilèges.
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Cet appel a été lancé par un intellectuel austro-marocain, en l’occurrence Hamid Lechhab à travers son introduction de la traduction de mon livre : «La crispation de la relation entre les musulmans et l’Occident: causes et solutions». Cet appel est un honneur pour moi; il est plein de reconnaissance et de considération pour tous les intellectuels occidentaux, qui ne sont pas aveuglés par leurs idéologies qui naviguent dans leur égocentrisme.
A votre avis, pourquoi la philosophie germanophone a-t-elle une relation plutôt positive avec le monde musulman en comparaison avec d’autres courants philosophiques Occidentaux ?
Je crois que l’une des causes, fait que les germanophones n’avaient pas de passé colonialiste en rapport avec le monde musulman. Mais le plus important, je pense, c’est que l’intérêt intellectuel des deux se rapproche, car le principe idéaliste de la philosophie germanophone trouve un écho dans la philosophie arabo-musulmane du Moyen-Age.
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Hans Koechler est parmi les rares spécialistes de la philosophie du droit et de la politique, où il est venu de son plein gré, «armé» et convaincu de la philosophie heideggérienne, qui l’a occupé pendant des décennies, en tant que professeur de philosophie à l’Université d’Innsbruck ou comme auteur de plusieurs recherches et livres sur la philosophie de Heidegger. Cette dernière lui a ouvert des horizons pour dépasser la philosophie «européenne», fondée sur une subjectivé métaphysique et sur la volonté du pouvoir et la tentative de maîtriser la nature, y compris l’homme. C’est cette philosophie qui lui a permis d’embrasser une philosophie humaniste, ouverte sur différentes cultures et civilisations et croyant au principe du droit de tous les peuples à une vie de dignité et d’égalité dans les devoirs et droits devant le droit international.