Elections, le choix entre le vert et le pas mûr…


Par Omar ABBADI
Jeudi 14 Juillet 2011

Le ministère de l’Intérieur insiste pour nous convaincre que nous sommes prêts pour organiser des élections anticipées en octobre prochain. Ces élections qui sont censés aboutir à l’émergence d’un nouveau gouvernement « issu des urnes ».
Il est vrai que nous assistons à une accélération des évènements sans précédent, accélération qui risque de nous pousser à faire des erreurs lourdes de conséquences et pour l’Etat et pour les partis. La vigilance est donc de mise, voilà pourquoi :
La nouvelle Constitution plébiscitée par le peuple, renvoie dans la majorité de ses articles à des lois et décrets qu’il faut préparer, discuter et adopter, sommes-nous sérieux quand on prétend que nous pouvons tout boucler en deux mois, quand on pense à l’ambiance qui règne aujourd’hui dans la rue, aux vacances scolaires, à l’arrivée du Ramadan, la fête de l’Aïd, à la rentrée scolaire, et surtout quand on pense à ce que cette décision suppose comme mobilisation afin que ce rendez-vous soit à la hauteur des aspirations du peuple, et surtout des jeunes qui se sont mobilisés, et sans lesquels tout ce remue-ménage n’aurait jamais eu lieu.
A moins que l’objectif derrière ceci ne soit de démontrer que le problème ne vient pas du système, mais des partis politiques et que c’est l’occasion de leur donner le coup de grâce, de les décrédibiliser une fois pour toutes aux yeux des citoyens et par la même occasion approfondir la crise et le manque de confiance dans les institutions. Si c’est le cas, amen ! Le message est passé, il reste seulement à savoir si ceci ne constitue pas aussi une menace pour le régime et pour sa stabilité.
L’avenir de notre pays est en   train de se jouer dans un bras de fer entre d’une part une majorité qui a dit oui à la Constitution et une minorité qui l’a boycottée, minorité constituée d’un grand nombre de jeunes, et pour les avoir souvent écoutés ces derniers temps, je sais qu’ils ne se laisseront pas faire aussi facilement ; ils sont prêts à tout mettre en  œuvre pour sauver leur « révolution », sans crainte ni hésitation.
Et bien qu’ils soient une minorité, il est de notre devoir de les écouter, de les impliquer dans les débats qui vont avoir lieu pour la mise en œuvre de la nouvelle Constitution.
En outre, si on ne s’en tient qu’aux raisons invoquées pour la tenue d’élections anticipées (la conformité à la nouvelle Constitution, la pression de la rue, le besoin de changement…), il faudra bien six à sept mois pour être fin prêts.
On ne peut en effet imaginer que la raison soit seulement de mettre en place de nouvelles institutions, notamment le Parlement, puisque la deuxième Chambre continuera de fonctionner même après les élections.
Si l’objectif est de trouver une alternative à l’actuel gouvernement, il y a d’autres voies à scruter, que d’appeler à des élections avant terme, car on risque de sacrifier non seulement la qualité de ces élections mais aussi la démocratie interne des partis.
A cela s’ajoute le fait que les formations politiques qui viennent de sortir de la campagne pour la révision de la Constitution doivent s’attaquer à celle des élections législatives anticipées. Ce qui suppose que leurs programmes électoraux sont déjà ficelés, que les instances se sont déjà réunies, que les commissions en charge des élections déjà mises en place, et que les procédures de choix des candidats déjà connues et validées, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui pour la plupart des partis, à moins qu’on veuille prendre les mêmes et recommencer...
Et avant tout cela, trois chantiers sont censés être bouclés : le Code électoral, la loi sur les partis politiques et le règlement intérieur du Parlement. Leur adoption définitive par les deux Chambres prendra au moins un mois. Ces textes préciseront le seuil électoral, apporteront des limitations à la transhumance des élus et nous diront si l’on va continuer à utiliser la carte d’électeur ou pas. Le découpage électoral a quant à lui un objectif qui n’est pas simple : celui de définir les limites territoriales des circonscriptions électorales sur la base de critères objectifs.
Il y a aussi les questions liées au règlement intérieur du Parlement, notamment le nombre de sièges et le cumul de mandats.
Sur le plan purement technique, il faudra procéder une nouvelle fois à la révision des listes électorales, l’opération de mai dernier étant exceptionnelle et liée au référendum sur la Constitution, un autre décompte s’avère nécessaire pour les législatives. Et pour cela, il faudra une nouvelle loi pour donner sa légitimité à cette révision exceptionnelle.
Une fois réglée cette première étape, intervient l’annonce officielle de la date des élections. La durée du scrutin, le délai du dépôt des candidatures et la date d’ouverture et de clôture de la campagne électorale sont fixés par décret publié au Bulletin officiel avant la date du scrutin. Interviennent ensuite le dépôt et l’enregistrement des candidatures. Là encore, si le mode de scrutin de liste n’est pas maintenu, il faudra des délais supplémentaires pour l’adoption du nouveau mode.
Sans parler de la logistique mobilisée par l’Administration à cette occasion : confection des bulletins de vote, désignation des quelque 7.500 bureaux de vote, copies des listes des électeurs, urnes, isoloirs, encre indélébile, mobilier…, il faut également désigner les présidents de ces bureaux et leurs assesseurs, qui seront appelés à participer auparavant à une formation sur le déroulement et la conduite du scrutin…
Mais au-delà de ces procédures techniques, administration et partis politiques sont confrontés à une bien plus grande épreuve : comment inciter les citoyens à se rendre aux urnes ?
Cela suppose des campagnes de communication, une mobilisation des partis politiques, et surtout des mesures d’encadrement, car le mouvement de la rue risque de déteindre sur la campagne électorale. A la lumière de tout ce qui précède, sommes-nous sérieux quand on parle d’octobre ? A vous de juger.


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