“C’est ma première icône de la Vierge”, dit fièrement Malgorzata Zablocka-Jaronczyk, 47 ans, en s’appliquant comme une écolière à parachever l’auréole d’une Vierge qu’elle dit déjà “prier”, bien qu’elle ne soit pas encore finie. “Je n’ai jamais su peindre. Ça ne m’a jamais trop intéressée. Et là, je commence à faire des progrès, je le vois moi-même, je suis assez contente de ce que je fais”, dit cette femme qui a encore huit ans à passer derrière les barreaux, après en avoir déjà purgé huit autres d’une peine de 24 ans réduite d’un tiers.
“On peut utiliser deux couleurs pour faire l’auréole. Cela donne un très bon effet. C’était une technique courante au XVIIe et XVIIIe siècles, pratiquée seulement en Russie pour écrire les icônes”, explique à ses disciples l’iconographe Jan Grigoruk.
Pendant tout le mois de décembre, M. Grigoruk, iconographe du Musée des icônes de Suprasl (nord-est), haut lieu du culte orthodoxe en Pologne, venait trois fois par semaine pour diriger le stage à la prison.
“Dites bien ‘écrire’, car dans le langage spécialisé, on dit écrire une icône et non peindre”, précise-t-il. Outre la technique, il enseigne le langage des icônes, leur histoire et leur symbolique.
“Au début, les détenues venaient participer à l’atelier plus pour tuer le temps, certaines en récompense pour bonne conduite, car la direction a dû choisir parmi près de 70 prisonnières celles qui le méritaient”, explique-t-il à l’AFP.
“Toute personne qui écrit une icône subit un vrai changement spirituel”, affirme-il. “Ecrire une icône, c’est déjà une forme de prière. Cela ne peut pas être juste un métier pour gagner sa vie”.
Dans de nombreuses prisons, la peinture est une activité très répandue. Mais l’écriture des icônes permet d’associer le côté artistique au spirituel.
Le stage apporte un peu de sérénité aux détenues. Justyna Gierasimiuk, 31 ans, condamnée à un an de prison, attend le stage avec impatience: “Oh oui, ça me calme, ça me calme vraiment et Dieu sait qu’on en a besoin: il nous arrive bien des fois d’être agressives dans nos cellules”.
Une dizaine d’hommes, incarcérés dans cette prison mixte de plus de 700 détenus, ont également pu suivre un premier stage l’an dernier. Parmi eux, des condamnés à des peines lourdes: deux à perpétuité, un à 25 ans et deux à 15 ans de prison, explique à l’AFP Jaroslaw Andrzejuk, un des éducateurs de la prison.
Leurs icônes ont ensuite été bénies par l’archevêque du diocèse orthodoxe de Bialystok. Les plus belles vont décorer la petite chapelle oecuménique de la prison. “L’idée du programme est géniale”, avait alors commenté l’archevêque Jakub.
En Pologne, pays très majoritairement catholique, la région de Bialystok, où vivent de nombreux orthodoxes, connaît un véritable renouveau religieux. La visite en août dernier du patriarche Cyrille, la première d’un chef de l’église orthodoxe russe en Pologne, en a été l’illustration.
M. Grigoruk, l’un des initiateurs de ces stages avec l’aumônier orthodoxe de la prison, souhaite les poursuivre. “A l’avenir, nous aimerions que les icônes puissent être vendues pour financer des oeuvres caritatives. La demande pour les icônes est grande”, dit-il.
Le programme est cependant assez coûteux. Pour l’instant, les détenues doivent se contenter de contreplaqués de 12 mm pour leurs réalisations. Le bois de tilleul, support traditionnel des icônes, est trop cher.
Le financement est assuré par un fonds spécial d’aide aux prisonniers, explique le porte-parole de la prison Wojciech Januszewski.
“Nous ne pouvons pas enfermer les gens derrière les barreaux et les livrer à eux-mêmes. Nous espérons que l’art difficile des icônes va les changer, qu’ils vont devenir meilleurs”, dit-il.