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Après un voyage de 1.500 km, quatorze juments bai brun à l’encolure massive et au bout de nez décoloré savourent paisiblement leur nourriture végétale dans un modeste enclos d’acclimatation, qui sera bientôt élargi à 40 hectares.
L’absence a été bien longue: les fouilles archéologiques démontrent la présence de chevaux sauvages dans ce coin d’Europe dans les années 4700-3700 avant Jésus-Christ, avant leur domestication.
“Pour la première fois en République tchèque, les poneys sont utilisés dans la sauvegarde d’un écosystème, d’une steppe dans ce cas précis”, explique Dalibor Dostal de l’association à but non lucratif “Ceska krajina” (“Paysage tchèque”), auteur du projet cofinancé par l’UE. Y participent aussi l’Académie tchèque des sciences, l’organisation European Wildlife et des universités.
Derrière lui, une vaste steppe est envahie ça et là d’herbes invasives, de buissons et de petits arbres, nourriture très appréciée par les nouveaux venus.
“Ces plantes agressives évincent ce qui est le plus précieux ici: les espèces extrêmement rares de plantes herbacées et de papillons, comme l’azuré de la croisette (Maculinea alcon rebeli) et la gentiane croisette (Gentiana cruciata)”, explique Miloslav Jirku, de l’Académie des sciences.
“Ce papillon et cette plante sont le roi et la reine indéniables de la localité”, souligne M. Jirku, estimant que “ces organismes précieux disparaîtraient et la steppe se transformerait en une forêt, si les chevaux britanniques n’étaient pas venus maintenant”.
Selon lui, le recul de la steppe risque d’être fatal aussi pour différentes espèces d’oiseaux, de reptiles et d’autres vertébrés.
Le terrain militaire de Milovice, à 50 km à l’est de Prague, reflète l’histoire du pays: créé par l’armée austro-hongroise en 1904, il a servi de camp de prisonniers pendant la Première guerre mondiale. 5.170 Italiens, 521 Russes et 51 Serbes y reposent dans un cimetière militaire.
Installée depuis 1918, l’armée tchécoslovaque en a été chassée par les nazis en 1939 et le maréchal allemand Erwin Rommel, le “renard du désert”, a entraîné son Afrikakorps sur les terrains sablonneux de Milovice.
Finalement en 1968, les Tchèques ont dû céder cette zone à l’armée d’occupation soviétique qui l’a transformée en une garnison géante pour 100.000 personnes. Le dernier Soviétique ne l’a quittée qu’en 1991, deux ans après la chute du communisme.
Mais, paradoxalement, l’entraînement régulier de militaires sur les terrains environnants aidait à préserver l’aspect original de la steppe arénacée.
“D’une certaine manière, l’action des armées imitait celle des grands ongulés d’antan, bisons, aurochs et chevaux sauvages”, sourit M. Dostal. “Le poney d’Exmoor, qui vit depuis toujours à l’état sauvage, a été choisi pour cette mission en raison de sa taille et de sa robe qui ressemblent le plus à celles des chevaux sauvages du temps passé”, précise M. Dostal.
Selon lui, les conditions naturelles en Bohême sont “similaires” à celles de l’habitat naturel de la race, dans le sud-ouest de l’Angleterre.
“Je suis ici pour la quatrième ou cinquième fois, je ne m’attends pas à ce que les poneys rencontrent un quelconque problème d’acclimatation”, assure le Britannique Richard Caley, au volant d’un immense camion qui a assuré le transport.
“D’après ce que j’ai lu, la race d’Exmoor court maintenant un certain risque dans son habitat et il est donc positif qu’une nouvelle harde se constitue ici”, se félicite-t-il.
Le projet prévoit l’élargissement de la harde à plusieurs dizaines d’animaux, l’arrivée d’un étalon étant prévue au printemps. “Il faut d’abord que des relations sociales se créent au sein de ce nouveau groupe formé jusqu’ici uniquement de juments”, dit M. Dostal.