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Jamal raconte le débarquement des forces de l’ordre pour raser le marché : «Ils ont envahi le quartier la soirée du fameux mardi et ont commencé par les baraques des vendeurs de légumes qu’ils ont données comme exemple aux autres qui ont par la suite démonté leurs baraques avant 6h du matin, délai fixé par les forces de l’ordre. Mohamed va dans le même sens : «On a été tabassés, insultés. Un ami à moi a été arrêté devant ses enfants ».
Un homme âgé témoigne : «J’ai vu de mes propres yeux la police embarquer un pauvre handicapé. Il avait une petite table sur laquelle il vendait des cacahuètes et du tabac. Ces gens-là n’ont pas de coeur !»
Suite à cette descente des forces de l’ordre, des centaines de vendeurs sont entrés dans un rapport de force avec les autorités d’où ils sont sortis vainqueurs et ont fini par imposer leur volonté. Un jour après ladite opération, ils ont rejoint par petits groupes, leurs places, comme si de rien n’était. Et ce, à l’exception d’un groupe constitué d’une soixantaine de personnes dont la plupart sont des femmes.
Plusieurs fourgons des forces auxiliaires quadrillaient néanmoins les lieux depuis lors. Une ambiance des plus tendues y était perceptible hier.
« Qetlouna, zeyrouna, khenqouna, wellina teht daght,…» (ils nous ont tués, ils nous ont asphyxiés, ils nous ont étranglés, ils nous ont mis sous pression,…). Ces mots se répètent en boucle sur les bouches des marchands de ce triste marché « informel » de Sidi El Bernoussi. Surtout ceux qui ont pris l’habitude de siéger à côté de la mosquée Souhail Aaouida Lakhouili dite « mosquée Tarik », qui n’ont pas pu reprendre leurs activités. «Nous sommes sous la pression des autorités et celle de notre quotidien. Comme vous le savez, cette période coïncide avec la rentrée scolaire et Aid Al Adha. Comment allons-nous faire pour nous en sortir ? Cela dépasse les bornes, trouvez-nous une solution », s’exclame Fatima, l’une des femmes éjectées du marché et responsable d’une famille composée de deux filles et trois garçons. Elle fait commerce de fripes. Elle témoigne : « On ne gagne presque rien. Cela devient insoutenable. Je n’en peux plus. Veulent-ils me pousser à dealer ou à pratiquer le plus vieux métier du monde pour nourrir mes enfants ? », crie-t-elle en pleurant. Et de nous confier : «J’ai cinq personnes à charge. Cela fait 12 ans que je travaille ici. Maintenant, c’est la misère. Si je déjeune, je ne dîne pas. Pourquoi s’en prennent-ils aux pauvres et épargnent les riches ?», martèle-t-elle.
« Maintenant, on ne sait plus comment faire pour gagner notre croûte », s’indigne une autre femme les larmes aux yeux. « Nos familles vivaient de notre seul revenu», ajoute-t-elle.
« Veulent-ils que je redevienne un délinquant ?» , s’insurge Hamadi, 23 ans et originaire de Oulad Saïd. Il est installé à Sidi El Bernoussi depuis cinq ans. Il était vendeur de vêtements au marché informel. «J’ai tout soldé», dit-il. Aujourd’hui, il fourgue des vêtements de contrefaçon à quelques chalands.
Ancien délinquant de son propre aveu, il exhibe des parties lacérées de son corps : «Je suis ouvert de part en part. J’ai des cicatrices partout», confie-t-il. «Je suis un repris de justice. J’ai quitté ma ville natale Settat à cause des agressions et de la mauvaise vie que j’y menais et j’en ai commencé une nouvelle à Casablanca. Je suis entré dans le droit chemin et ce marché m’a aidé à gagner correctement ma vie. Maintenant, je ne sais pas ce que je vais devenir. Je vais me remettre à consommer «el bola hamra» (une drogue) et je vais forcément retomber dans mes anciens travers. Je serais obligé de voler de nouveau pour vivre.»
Installé dans les rues de Sidi El Bernoussi, notamment le long des rues des arrondissements 39, 49 et 52…, le marché en question était et reste désormais l’un des plus importants de la métropole. Il semble impossible à éradiquer en se basant uniquement sur l’approche sécuritaire. C’est la seule qui semble actuellement de mise.
Les représentants des autorités qui se trouvaient hier sur place ne le nient pas. Ils justifient néanmoins leur demi-victoire sur les marchands ambulants par le fait que le groupe de marchands qu’ils ont éjecté bloquait l’accès à la mosquée.
Les membres de ce groupe continuent à manifester leur ras-le-bol. «Ce marché est notre seul gagne-pain, on n’a pas autre chose à faire surtout que les circonstances actuelles ne nous permettent pas de trouver facilement une autre alternative. Nous appelons les autorités à nous laisser vivre», disent-ils.
Ils l’ont même écrit au gouverneur des arrondissements de Sidi El Bernoussi. Leur lettre ne recevra certainement pas de réponse puisque tous les habitants de l’arrondissement ont apprécié à sa juste valeur l’effort consenti par les autorités publiques tout en regrettant que l’opération n’ait pas débouché sur l’éradication définitive de ce fléau.