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D’un 1er Mai à l’autre. Promesses à la pelle, Salariés à la peine


Hassan Bentaleb
Mardi 30 Avril 2024

Qu’en est-il du programme gouvernemental ambitionnant l'amélioration de la situation socioéconomique des ouvriers, à travers, notamment, le développement de l'arsenal juridique et son adaptation aux chartes et aux normes internationales, la poursuite de l'institutionnalisation du dialogue social et l'amélioration des conditions de travail, de santé et de sécurité dans les lieux de travail ? Qu’en est-il également des déclarations du 1er Mai 2021  du ministre du Travail et de l'Insertion professionnelle, Mohamed Amekraz, indiquant que la classe ouvrière est au premier rang des priorités du gouvernement ?

Pour plusieurs observateurs, le bilan reste mitigé et les ratages sont nombreux et variés (chômage, grèves, faillite d’entreprises,…). Selon eux, la montée de la tension sociale en dit long sur l’action du gouvernement et résume, quelque part,  son incapacité à améliorer les conditions de vie et de travail des salariés.
 
Grèves

D’après plusieurs experts, 2023 a été une année chaude au niveau social avec une hausse importante du nombre des débrayages au sein de plusieurs secteurs. Le domaine de l'éducation se trouve en première ligne dans son opposition au gouvernement.

A partir du 5 octobre 2023, les enseignants du primaire ont entamé une grève illimitée pour exprimer leur désaccord envers la mise en œuvre d'un nouveau système éducatif. Selon eux, ce système aggrave les disparités entre les écoles, compromet la sécurité des élèves et des enseignants et remet en question leur statut professionnel. Bien qu'un accord ait été signé le 10 décembre entre le gouvernement et quatre syndicats majeurs, prévoyant une augmentation de salaire de 1.500 dirhams par mois, certains grévistes ont refusé de reprendre le travail, maintenant ainsi la pression. En réponse, le gouvernement a menacé de prendre des sanctions disciplinaires allant de la suspension à la révocation, et a procédé à des retenues sur salaire.

Le secteur de la santé s’est joint au mouvement de contestation le 7 décembre en organisant une grève nationale, initiée par les étudiants en médecine et les infirmiers. Ils ont manifesté leur mécontentement face à la décision du ministère de la Santé de réduire la durée des études de sept à six ans, sans clarifier les implications juridiques, la rémunération et les responsabilités pendant la période de formation à l'hôpital. Ils ont également  exprimé leurs préoccupations concernant les répercussions de cette réforme sur la qualité et l'efficacité de la formation médicale. En outre, les infirmiers ont critiqué la politique contractuelle du ministère qui ne leur garantit pas de salaire pour leur travail dans les hôpitaux publics.

De son côté, le secteur de l'eau et de l'électricité s’est soulevé en janvier dernier suite à l'adoption d'un projet de loi visant à établir des entreprises régionales multiservices responsables de la distribution de l'eau et de l'électricité. Les employés de l'Office national de l'électricité et de l'eau potable (ONEE) rejettent ce projet de loi, le considérant comme une forme de privatisation déguisée qui va à l'encontre des intérêts des citoyens et des travailleurs. Ils demandent le retrait ou la révision de ce projet de loi et, à ce propos, ils ont annoncé des grèves nationales en janvier, accompagnées de manifestations régionales et d'une marche nationale à Rabat. Ils craignent que cette réforme entraîne une augmentation des tarifs de l'eau, ce qui pourrait limiter l'accès à cette ressource vitale pour de nombreux Marocains.

Pour leur part, les fonctionnaires des administrations locales se sont mobilisés activement en vue d’améliorer leurs conditions de travail et de réclamer des augmentations de salaire. Leur action s'est intensifiée suite à la décision des gouverneurs de réduire les salaires des grévistes. A travers des grèves et des sit-in à l'échelle nationale, ainsi qu'une marche à Rabat, ils ont exprimé leur désaccord avec le manque de considération du ministère de l'Intérieur envers leurs légitimes revendications et son incapacité à régler la situation des employés sous-classés.

Chômage

Mais, il n’y a pas que les grèves et sit-in qui ont marqué ces dernières années, la question du chômage a également été d’actualité. En effet, le chômage a atteint un niveau record en frôlant les 14% au troisième trimestre de 2023, dépassant 1,6 million de personnes, ce qui impacte durement un pouvoir d'achat déjà affecté par l'inflation. Les prix des produits alimentaires ont eux aussi augmenté de 11% en 2022 et ont connu une hausse de près de 9% au cours des douze derniers mois jusqu'en octobre, selon le HCP, comme c’est le cas pour le prix d’un kilo de pommes de terre qui a doublé depuis 2021 et celui des tomates qui a triplé. A noter qu’un tiers du revenu mensuel médian par ménage est dépensé pour l'alimentation.

A ce tableau noir, il faut ajouter la perte de près de 300.000 emplois en un an, principalement en milieu rural, tandis que 3,2 millions de personnes ont basculé en 2022 dans la pauvreté ou la vulnérabilité, selon le HCP, ramenant le Maroc au niveau de pauvreté de 2014 malgré sept années de progrès. Plus de la moitié de cette augmentation est attribuée à la hausse des prix à la consommation.

Bref,  le chantier « Etat social », érigé par le gouvernement et basé sur une dizaine d’« engagements », dont la création d’au moins un million de postes nets, l’émergence d’une classe moyenne agricole et la sortie d’un million de familles de la précarité, reste, pour l’instant, une chimère.

Hassan Bentaleb

Dialogue social
Principaux points de l’accord entre le gouvernement et les syndicats
 
Voici les principaux points de l’accord signé, lundi à Rabat, entre le gouvernement, les centrales syndicales et les associations et organisations professionnelles:
+ Amélioration des revenus des fonctionnaires et des salariés des secteurs public et privé
- Augmentation générale des revenus des salariés des administrations publiques, des collectivités territoriales et des établissements publics n’ayant pas encore bénéficié d’une revalorisation salariale, d’un montant mensuel net de l’ordre de 1000 dirhams, versé en deux tranches égales (au 1er juillet 2024 et au 1er juillet 2025).
- Augmentation de 10% du SMIG appliquée en deux tranches (1er janvier 2025 et 1er janvier 2026).
- Augmentation de 10% du SMAG agricole appliquée en deux tranches (1er avril 2025 et 1er avril 2026).
- Baisse de l’impôt sur le revenu (IR) pour l’ensemble des fonctionnaires et des salariés avec un impact mensuel allant jusqu’à 400 dirhams pour les catégories à revenu moyen.
- Hausse du montant de la déduction sur le montant annuel de l’impôt pour charge de famille du contribuable pour chaque personne à charge, de 360 à 500 Dirhams.
+ Réforme des systèmes de retraite
- Mise en place d’un régime de retraite sous la forme de deux pôles (public et privé) dont les modalités seront convenues selon une approche participative.
- Identification des mécanismes de transition vers le nouveau système tout en préservant les droits acquis en vertu des régimes actuels, et ce jusqu’à l’entrée en vigueur de la réforme.
- Renforcement de la gouvernance des régimes de retraite à la lumière des bonnes pratiques dans ce domaine.
+ Loi organique relative aux conditions et aux modalités de l’exercice du droit à la grève
- Elaboration de la loi organique relative aux conditions et aux modalités de l’exercice du droit à la grève, à travers un accord sur ses principes fondamentaux, notamment en ce qui concerne la garantie de la conformité du projet de loi organique avec les dispositions de la Constitution et la législation internationale relative à l’exercice du droit de grève.
- Encadrement de l’exercice du droit de grève dans le secteur public et privé, en garantissant l’équilibre entre l’exercice de ce droit constitutionnel et la liberté de travailler.
- Définition des différents concepts relatifs à l’exercice du droit de grève.
- Détermination des départements qui, compte-tenu de leur nature et de leurs spécificités vitales, nécessitent la mise en place d’un service minimal pendant la période de grève.
+Révision de la législation du travail
- Révision progressive de certaines dispositions du Code du travail selon une approche participative.
- Révision du cadre juridique et institutionnel encadrant la formation professionnelle continue.
- Révision des dispositions légales relatives aux élections professionnelles pour élire les délégués des salariés et des membres des commissions paritaires.


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