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C’est pourquoi, elle retrace l’histoire de la culture arabe en démontrant que l’obscurantisme intégriste d’aujourd’hui n’est nullement le fruit d’un quelconque passé historique puisque la culture arabe classique était très libre, ouverte à l’érotisme et à la sexualité. Est-ce donc un problème de religion musulmane? Pas vraiment. Joumana Haddad dépasse les clichés pour déclarer que si dans la religion chrétienne, les femmes semblent moins opprimées, elles n’en sont pas moins, fondamentalement, objet de discrimination « …Y a-t-il une différence authentique significative entre la femme arabe musulmane et la femme arabe chrétienne? J’ai peur que non, affirme-t-elle. Pas en profondeur. L’injustice, les doubles critères et les préjugés sont visibles avec plus d’évidence chez la première, c’est tout. Or l’évidence est presque toujours un piège». Comparant la religion musulmane et celle chrétienne, elle affirme sans encombre : «Il s’agit, pour moi du moins, de prendre conscience du caractère nocif de toute religion (nocif pour le bon sens, le mode de vie, la capacité à choisir, voire la santé), dès qu’elle quitte la sphère des nourritures, qui est sa place propre (pour ceux qui les recherchent), pour pénétrer la sphère de la vie publique et privée, où elle ne peut que détruire tout espoir de liberté, d’équilibre et de jugement objectif».
Cette volonté farouche de s’affirmer passe alors par un meurtre salutaire: tuer Schéhérazade, obligée de quémander au pouvoir masculin sa liberté, ses droits et le respect qui lui est dû. Tuer cette instigatrice qui entretient l’infériorité des femmes, alors que ses droits fondamentaux - “Le droit de vivre. De choisir. D’être libre. D’être soi même. Le droit à tout”- devraient être des acquis indiscutables».
Tuer Schéhérazade qui a entretenu ce mythe destructeur: une femme doit avant tout satisfaire un homme pour réussir dans la vie. Tuer Schéhérazade pour mieux nous libérer, nous femmes arabes comme occidentales. «Il fallait tuer un mythe historique pour libérer le corps, donc également l’esprit, et écrire cette expérience pour mieux l’affirmer» écrit dans la préface Etel Adnan, qui ajoute : «Mais le corps est englué dès la naissance dans un contexte social, et c’est ainsi que les contraintes commencent et nous mènent jusqu’à même l’esclavage»
Son récit mêle témoignages personnels, moments poétiques et réflexions plus générales. Toute jeune, elle découvre le Marquis de Sade et depuis, ses lectures lui ont tracé le chemin de la liberté. Elle a appris à vivre, à affirmer se féminité et à s’affranchir du joug des préjugés. Bravant les interdits d’un conservatisme aveugle, elle a osé écrire de la poésie érotique. Ecrits qui lui ont valu d’ailleurs des menaces de mort.
Afin de mieux toucher le lecteur, les titres des différents chapitres l’emportent à travers des «stations» plus évocatrices les unes que les autres : Femme arabe lisant le Marquis de Sade. Femme arabe sans patrie. Femme arabe écrivant de la poésie érotique. Femme arabe créant un magazine sur le corps. Femme arabe redéfinissant sa féminité. Femme arabe ne craignant pas de provoquer … Femme arabe qui dit non et le vit. Avec pour clore en beauté : Suis-je vraiment une femme arabe?
Il faut rappeler que Joumana Haddad est journaliste et traductrice libanaise. Elle est fondatrice du premier magazine sur les arts du corps «Jasad» au Liban.
Une lecture passionnante, une plume acerbe qui, faute de réussir la mise à mort définitive de certains préjugés à la peau dure, les assène d’un vrai coup de scalpel. De quoi relancer l’éternel débat!