Céline Alvarez a expérimenté pendant trois
ans une méthode pédagogique en se basant
sur les avancées des sciences cognitives
de l'enfant. Dans son livre «Les lois naturelles
de l’enfant», elle invite à repenser l’école, pour
la rendre plus performante et plus épanouissante pour tous. Elle a récemment été contactée
pour mettre en œuvre sa méthode
au Maroc et en Belgique.
Dans le but de tester l’efficacité d’une démarche pédagogique scientifique, c’est-à-dire pensée à partir des lois de développement de l’enfant, Céline Alvarez, linguiste de formation, décide en 2009 d’entrer dans le système éducatif français en passant le concours de professeur des écoles. Après avoir passé le concours en candidat libre, elle demande un entretien auprès du Conseiller du ministre de l’Education français, qu’elle obtient. Les conditions qu’elle demande lui sont accordées : une école implantée dans un quartier défavorisé, une classe d’âges mélangés, des tests scientifiques annuels pour mesurer les progrès des enfants, ainsi qu’une carte blanche pédagogique totale.
Céline passe ainsi trois ans dans une classe de maternelle dans une zone réputée difficile, avec trois niveaux mélangés. La jeune femme de 33 ans y a expérimenté sa propre démarche, inspirée des travaux de la pédagogue Maria Montessori et, surtout, des connaissances les plus récentes en matière de neurosciences ou de psychologie cognitive. Les résultats ont été spectaculaires. Au bout des trois ans, tous les enfants avaient au moins un an d’avance. Ils savaient lire, compter, parfois dès 4 ans, étaient remarquablement autonomes, sociables et confiants.
Malgré la réussite de ce projet, l’Education nationale française a fait le choix d’arrêter cette expérimentation. Céline Alvarez a alors choisi de démissionner et de se lancer dans la création d’un blog porté sur ce nouveau mode d’apprentissage. Elle y poste des vidéos de ses élèves en train de travailler, des conférences auxquelles elle participe et qui rencontrent un réel succès.
«Céline Alvarez a démissionné. Mais qu’importe. Dans toute la France, et au-delà, l’expérience inspire des centaines d’enseignants, du privé mais surtout du public. Un mouvement prend forme, au sein même de l’Education nationale, à la base. Il change la donne, sans bruit», lit-on dans un article du quotidien français «LeParisien».
Même si l’Education nationale n’a pas voulu poursuivre l’expérience, Céline ne le regrette pas. « Cela me donne la liberté de poursuivre mon chemin tranquillement, en prenant le temps de partager avec les parents et les enseignants les connaissances qui m’ont permis d’avoir un impact si positif sur les enfants», explique-t-elle. Son site Internet a fait des émules et son blog a été consulté par près de 2 millions de personnes. Plus d’un millier d’enseignants de maternelle ou d’écoles s’en inspirent déjà, un peu partout en France, mais aussi ailleurs. La jeune femme a même été contactée pour mettre en œuvre sa méthode au Maroc et en Belgique, par les ministères de l’Education nationale respectifs.
Invitée d’une célèbre émission de Patrick Cohen sur «Franceinter», Céline Alvarez explique que «l'être humain n'apprend pas ce qui ne le motive pas». «Tant qu'on impose les sujets, l'enfant ne peut pas apprendre» dit-elle, ajoutant que «les enfants doivent être autonomes pour choisir les activités qui les passionnent, dans un cadre donné». Pour elle, «on peut penser une éducation sur des bases scientifiques qu'aujourd'hui on connaît». En appliquant cette méthode, «une petite fille de quatre ans qui avait 28 mois de retard d'apprentissage a rattrapé ce retard en six mois, et l'a même dépassé de 8 mois de plus», précise la jeune femme. «Il faut arrêter les débats idéologiques stériles! Pourquoi ne se base-t-on pas sur une démarche scientifique?», se demande-t-elle. «Tout le monde s'épuise avec ce système, les enfants sont à bout, les enseignants donnent tout, et les parents se fatiguent à la maison avec les devoirs», déplore l’institutrice devenue pédagogue. Elle dénonce aussi le système d'inspection des enseignants : «Il faut changer le rôle des inspecteurs. Ça suffit d'infantiliser les enseignants ! (...) Les enseignants ont besoin de se tromper, d'avancer en faisant des erreurs», conclut-elle.
Deux ans après avoir été forcée d’arrêter son expérience au sein de l’Institution, suite au retrait, sans raison officielle claire, du matériel pédagogique et à la fermeture de la classe, Céline Alvarez poursuit toujours son travail à l’extérieur. Avec l’aide d’Anna Bisch, elle décide de se consacrer au partage gratuit de la totalité des outils qui leur ont permis d’avoir un impact si positif auprès des enfants. En août 2015, plus de 200 enseignants ont participé à deux jours de conférence dédiés au partage des fondamentaux théoriques scientifiques (l’intégralité de ces deux journées peut être visualisée sur son site). Face à cette attente forte de la part des enseignants et des parents, Matthieu Varagnat et Fabien Akunda, tous deux ingénieurs aux grands idéaux, ont rejoint Céline et Anna pour les aider à diffuser largement leurs connaissances. En juillet 2016, l’équipe a organisé une conférence de trois jours devant plus de 700 enseignants venus de toute la France et d’ailleurs : Maroc, Cambodge, Vietnam, Canada, Australie, Espagne, Portugal, Chine, Suisse, Belgique, Emirats Arabes Unis...
La semaine dernière, la jeune pédagogue a publié «Les lois naturelles de l’enfant» aux éditions Les Arènes, un livre qui vise à faire une synthèse des mécanismes naturels d’apprentissage et d’épanouissement du jeune être humain. «Qu'on le veuille ou non, un nouveau système est en train d'émerger. La joie et la gratitude que je ressens sont immenses», se réjouit Céline.
Quels apports ont été réalisés ?
Les résultats
La deuxième année, le rapport des tests indiquait : “Il apparaît que dans les deux domaines d’apprentissage incontournables de la scolarité, la lecture et l’arithmétique, les enfants de cette classe montrent des habiletés qui dépassent souvent leur niveau scolaire. (...) Il faut se rendre compte que tous les enfants présentent au moins un an d’avance par rapport à ce qui est attendu.
Le mélange des âges (3, 4 et 5 ans) a par ailleurs grandement favorisé la collaboration, le tutorat et l’entraide spontanés entre les enfants. Cette richesse sociale a catalysé le développement de qualités morales et sociales importantes chez tous. Les familles ont noté chez leur enfant une capacité nouvelle à se concentrer, une autonomie importante, des relations sociales apaisées, de l’autodiscipline, ainsi qu’une envie irrépressible de se rendre à l’école, même malades!”