Beaucoup de discours sur la retraite mais peu d'actes

Le chef de gouvernement n’a nullement détaillé son projet de réforme devant les parlementaires


Hassan Bentaleb
Vendredi 11 Janvier 2013

Beaucoup de discours sur la retraite mais peu d'actes
21 min 53 sec est le temps qu’il a fallu à Abdelilah Benkirane pour se prononcer sur l’épineux dossier de réforme du système des retraites considéré pendant longtemps comme une patate chaude qu’il valait mieux ne pas toucher. Le temps de son intervention devant la Chambre des conseillers a été consacré en totalité à faire le  diagnostic d’une situation connue de tous. En effet, les parlementaires ont eu droit à un rappel des faits marquants relatifs à ce dossier, l’historique du travail des commissions technique et nationale et les prévisions des catastrophes possibles si rien n’est fait.   Bref, un discours sans surprise sur la nécessité de la réforme qui se répète en boucle comme un disque rayé.
Mais que propose Benkirane? Rien ou plutôt un flou artistique savamment entretenu. En effet, le chef du gouvernement s’est contenté de reprendre les nombreux scénarios en cours d’étude actuellement et qui vont du maintien des régimes actuels avec introduction de réformes visant à assurer leur pérennité, jusqu’à l’établissement d’un régime unique de retraite permettant de remédier au foisonnement des systèmes et de garantir une base financière solide aux caisses de retraite.
Benkirane n’a néanmoins pas exclu la possibilité de mise en place d’un régime de retraite à deux pôles : l’un pour le public et l’autre pour le privé, comptant chacun un régime obligatoire plafonné et un régime complémentaire.
La réforme du système des retraites nécessitera aussi, selon le chef de l’Exécutif, de réussir deux actions majeures, à savoir la restauration de l’équilibre financier des régimes de retraites civiles et l’élargissement de la couverture pour englober l’ensemble des salariés et des personnes actives non salariées.
Et si rien n’est entrepris dans un sens ou dans l’autre ? Il assure que l’on courra à la catastrophe. D’après lui, les dépenses de la Caisse marocaine des retraites dépasseront ses revenus à partir de 2014 et le financement du déficit s’effectuera alors à travers les réserves qui s’épuiseront ainsi en 2021 si aucune mesure n’est prise. Ainsi, le déficit atteindra 1,28 milliard de dirhams en 2014, avant de passer successivement à 24,85 milliards de dirhams en 2021, à près de 45,66 milliards de dirhams en 2030 et à 78,54 milliards de dirhams en 2061. De même pour la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS) qui compte 2,54 millions de salariés du secteur privé et qui a engrangé en 2011 des cotisations totalisant 7,28 milliards de DH.  En effet, Benkirane a souligné que cette caisse connaîtra son premier déficit en 2021 et épuisera ses réserves financières en 2049, ajoutant qu’elle péche par la non-couverture d’une large frange de la population active, ce qui la prive d’une importante assiette financière tout en privant de couverture sociale quelque 8,5 millions de personnes actives sur une population active totale de 10,4 millions de personnes.
Des scénarios catastrophes rabâchés depuis deux décennies et reconduits régulièrement par les analystes qui n’ont pas cessé de faire des prévisions alarmistes sur l’avenir de notre système de retraites et à souligner l’urgence des réformes à entreprendre.
Fidèle à sa nette propension de parler pour ne rien dire, Benkirane a tout fait lors de cette séance plénière mensuelle pour éviter de répondre aux questions dérangeantes. Le chef du gouvernement manque assurément de courage politique et hésite à assumer le lot de remous sociaux qu’une éventuelle réforme pourrait induire.
En effet nombreuses sont les questions qui s’imposent et fâchent. Pourquoi Benkirane garde-t-il le silence sur le travail des commissions nationale et technique chargées de la réforme des régimes de retraites et pourquoi ces dernières tardent-elles jusqu’aujourd’hui à présenter les résultats de leurs travaux entamés en 2003 ?  Pourquoi n’a-t-il pas pipé mot non plus  des mesures de réforme que propose son gouvernement ? Quelle est la nature de ces mesures ? Y a-t-il un agenda de réforme et quel en sera le coût financier ? Assurément, les parlementaires sont certainement restés sur leur faim et nous avec.

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