Un taureau face à un autre et les cornes s'entrechoquent. Le combat ne dure que quelques minutes et prend fin lorsque l'un d'eux bat en retraite ou est dominé par son rival.
Le vaincu est alors évacué de l'arène qui n'est qu'un bout de plage de l'émirat côtier du Golfe, où la vue d'un chameau est plus familière que celle d'un bovin.
Hérité, selon certaines sources, des conquérants portugais qui contrôlaient au XVIe siècle la côte de la mer d'Oman, ces combats de taureaux n'ont rien à voir avec la corrida. Ils s'apparentent plutôt aux spectacles de taureaux organisés en Asie.
Les organisateurs de ces combats à Foujeirah, l'une des sept composantes de la fédération des Emirats arabes unis, insistent sur le fait que ce sport ne nuit pas à la santé de l'animal.
Et contrairement à l'Asie, aucun pari n'est autorisé, l'islam interdisant les jeux de hasard.
Swati, une Indienne de 12 ans venue de Dubaï avec sa famille, a du mal à cacher sa déception car elle s'attendait à assister à une sorte de corrida. "Mais quand je suis arrivée, mon père m'a dit qu'il s'agit d'un combat taureau contre taureau", dit la jeune fille.
Elle se laisse néanmoins prendre par le spectacle, commenté par haut-parleurs par un expert enthousiaste pour les dizaines de spectateurs agglutinés autour de l'arène ou assis sur le toit de voitures 4x4 en train de siroter un jus.
"Dr Thomas contre Jackson, Thomas l'artiste", annonce l'animateur à l'arrivée des deux taureaux dans l'arène. Le choc est frontal et une alarme placée sur un mur proche est actionnée. Il s'agit d'"al-Wannan", un instrument qui salue les moments forts de l'affrontement et la performance du taureau lorsqu'il charge son rival.
Chaque vendredi, des dizaines de taureaux sont ainsi engagés et le spectacle peut durer des heures.
Lorsque le combat est incertain, il revient à un jury de huit membres, recrutés parmi les dignitaires des tribus locales, d'en déterminer l'issue.
Le vainqueur ne remporte pas de prix mais sa réputation et celle de son propriétaire grandissent à chaque victoire.
Des marchands d'Oman traversent tout spécialement la frontière pour marchander l'achat de tel ou tel taureau gagnant afin de l'engager dans des combats dans leur pays où cette tradition est encore plus populaire.
"Le prix d'un taureau qui multiplie les victoires peut atteindre 600.000 dirhams (143.00 euros)", indique Hamad al-Matrushi, un membre du jury. "Mais celui d'un animal aux résultats plus irréguliers se situe à environ 120.000 dirhams (28.770 euros)", précise M. Matrushi, qui est également propriétaire.
Mohamed Abdallah, qui possède 15 bêtes, explique que leur alimentation lui coûte "pas moins de 10.000 dirhams (2.400 euros)" chaque mois.
Pelage noir et taille massive, Reyla est la star de Foujeirah. Il attire les foules au-delà des frontières de l'émirat. Son propriétaire s'est vu offrir 300.000 dirhams (71.860 euros), mais refuse de le céder, explique M. Abdallah.
Issus des races Jersey et Holstein, ces taureaux suivent un entraînement spécial avec bains de mer et séjours de musculation en montagne. "Ailleurs, les animaux sont parfois maltraités mais ici nous sommes cléments envers eux. Nous nous en occupons et nous les nourrissons bien", souligne M. Matrushi.
Les organisateurs voient dans ces combats un "héritage" à préserver, là où les défenseurs de la cause animale dénoncent une distraction néfaste pour les animaux.
"Ce genre de divertissement ridicule et inhumain ne peut que stresser les taureaux, qui sont excités par les cris de la foule et le fait d'être manipulés par les humains", déclare à l'AFP Mimi Bechechi, directrice de l'organisation PETA, basée au Royaume-Uni. "De nos jours, on peut se passer de ce genre de barbarie".