“Art. 475 : trêve de silence”

Hind Bensari revient sur les raisons qui poussent les Marocains à accepter l’application de l’article 475


Najoua Friguech
Mardi 16 Avril 2013

“Art. 475 : trêve de silence”
La projection du web documentaire «475 : trêve de silence» de Hind Bensari a eu  lieu récemment au complexe culturel Sidi Belyout à Casablanca. Cette jeune  Marocaine est allée à la rencontre des habitants de Casablanca pour comprendre le sort réservé aux femmes victimes de viol.
En effet, celles-ci sont contraintes, dans la majorité des cas, à se marier avec leurs agresseurs, et ce d’après l’article 475 du Code pénal qui stipule que «le viol est puni de plusieurs années de prison, à moins que la victime et son agresseur se marient». Ce qui signifie que la femme violée est doublement agressée, d’une part, par son violeur, et d’autre part par sa famille et la justice. Heureusement que l’alinéa 2 de l’article 475 a été amendé. Celui-ci  trouve son fondement dans le fait que le Code pénal ne doit en aucun cas ôter la qualité de crime à l’acte commis même si le violeur épouse sa victime. Mais le Maroc devrait beaucoup patienter avant de voir la mentalité de ses citoyens changer. Cette mentalité qui condamne les filles à ne pas côtoyer les garçons et à ne pas s’habiller d’une façon trop «provocante».
Le projet a été décidé suite à la mort tragique d’Amina Filali. Pour réaliser ce documentaire, Hind s’est entourée d'une équipe de professionnels marocains, Rajae Saddiki (directrice artistique et cameraman) et Abdelhamid Sarghini (graphiste).
Dans ce documentaire, on apprend que selon une étude du Haut commissariat au plan, près de 3,4 millions de femmes ont subi un acte de violence physique à l’âge de 18 ans. Et ces  victimes sont deux fois plus nombreuses en milieu urbain (2,2 millions) qu’en milieu rural (1,2 million).
D’après le Dr Aboubakr Harakat, psychologue à Casablanca, «dire que c’est la faute de la fille qui s’est trouvée sur le chemin de l’homme qui viole, c’est enraciner dans  nos comportements la manière de penser du psychopathe». En effet, l’un des attributs du psychopathe est qu’il ne reconnaît jamais être responsable de ses actes. Par conséquent, continuer à avoir ces idées criminalisera toujours les femmes.
Pour plusieurs personnes interrogées par Hind, marier la fille à son violeur demeure la seule solution, car si ce dernier entre en prison, personne d’autre ne peut la sauver de sa «détresse». Cependant, pour d’autres, cette pratique ne peut être assimilée par la raison, puisque accepter sa demande de mariage revient à lui offrir la fille sur un plateau en or.
Le travail de Hind revient également sur les raisons qui poussent nombre de familles à marier leur fille au violeur. Celles-ci résident dans le fait que  le mariage constitue un moyen de sauver leur honneur bafoué par l’agresseur, qui lui, garde le sien intact. De plus, beaucoup pensent que  la femme trouve son bonheur  dans les facteurs matériels, et donc on est loin de se soucier de ce qu’elle peut ressentir.«Il semble donc que le mariage est un devoir pour la femme avant d’être un facteur de bonheur», conclut Hind Bensari.
A noter  que Hind, Marocaine basée à Londres, a décroché un double diplôme en histoire du Moyen-Orient et économie, de l'Université d'Edimbourg, suivi d’un certificat en économie politique internationale décerné par la London School of Economics. Passionnée par le Moyen-Orient, Hind articule son parcours professionnel et associatif autour de thèmes touchant à la région.
Après une première expérience en financement de projets novateurs dans les pays du Golfe, Hind se consacre à la conception et au développement de projets, incluant le lancement de la première chaîne télévisée d'affaires du monde arabe, Libya Business TV, au lendemain de la révolution libyenne.
Sur le plan associatif, Hind travaille avec la Croix-Rouge de Beyrouth afin de venir en aide aux victimes de la guerre du Liban (2006), et aide à la coordination d'un voyage de découverte des territoires palestiniens en Cisjordanie, destiné aux jeunes professionnels et étudiants européens en partenariat avec l'université de Birzeit (2010).
Particulièrement touchée par l'histoire d'Amina Filali, elle décide en 2012 de réaliser un documentaire sur le traitement des victimes de viol au Maroc. Dans un souci d'accessibilité, elle fait le choix de réaliser son documentaire en trois langues (arabe, français et anglais) et de le diffuser librement sur Internet.
Ce premier travail fut réalisé dans une démarche indépendante, et intégralement produit grâce à un financement communautaire et international.


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