La Fondation «Dar Bellarj» accueille, jusqu’au 1er mai 2016, l’exposition «Al Halqa – Les Trésors humains de Jemâa El Fna”. L’objectif étant de participer à la préservation de ce patrimoine culturel qui a, malgré tout, résisté à l’invention de l’imprimerie, du cinéma et de la télévision et qui, à l’heure d’Internetet des médias sociaux, est confronté à de nouveaux défis
Al Halka, la forme la plus ancienne de théâtre traditionnel au Maroc, existe depuis la nuit des temps. Lors d'une représentation en plein air, sans rideau, sans distance entre les spectateurs et le comédien, sans maquillage et sans artifices, des pièces de différents genres sont jouées. Al Halka demeure un lieu de transmission de la culture, un garant de la mémoire artistique. Et lorsqu'on parle de la Halqa, on pense à la place Jemaâ El Fna de Marrakech où se perpétue cette tradition depuis des siècles. Le spectateur peut passer des conteurs en tous genres aux charmeurs de serpent en passant par les jeux d'acrobaties et par les devins qui ont gardé toute leur authenticité.
Aujourd'hui, nombreux sont ceux qui prétendent que les changements sociaux, économiques et culturels, associés à une plus grande diversité des moyens modernes de transmission des savoirs, participent à une marginalisation progressive du spectacle de la Halka, autrefois seul moyen pour distraire la foule.
Mais consciente de l’importance de ce patrimoine culturel, ancien, plus que millénaire, la Fondation «Dar Bellarj» propose au public d’explorer à partir de différents points de vue ce phénomène qui a, malgré tout, résisté à l’invention de l’imprimerie, du cinéma et de la télévision et qui, à l’heure d’Internet et des médias sociaux, est confronté à de nouveaux défis. Ainsi jusqu’au 10 décembre 2016, dans les salons de Dar Bellarj, un choix de photos, vidéos et enregistrements sonores donneront donc une nouvelle actualité aux représentations de Jemâa El Fna tandis que le patio lui-même sera jusqu’au mois de mai une scène ouverte à différents regards et représentations.
D’une part, les visiteurs découvrent les perspectives des hlayqia, artistes de la place, qui sont invités à présenter mais aussi à parler de leur art, de qui ils l’ont hérité et à qui et comment ils le transmettent. D’autre part, ils ont l’occasion de connaître les avis d’historiens, de philosophes et de penseurs de la tradition orale et des formes de théâtralité, mais aussi d’assister aux projections d’artistes, marocains et étrangers, invités à s’approprier et restituer cette tradition millénaire, à la mettre à l’épreuve d’un questionnement contemporain.
Parallèlement à l’exposition et au programme de rendez-vous dans le patio de Dar Bellarj, un musée virtuel de la place a été mis en ligne sur «www.jemaaelfna.com». Celui-ci comprend d’ores et déjà un archive de photos, vidéos et enregistrements de contes mais il a vocation à vivre et se développer par les contributions des internautes. Une « boîte à histoire » invite le visiteur à devenir lui-même conteur pour perpétuer la tradition, donner un cadre et une visibilité à cet art et l’inscrire dans une continuité. Chaque conte enregistré et filmé sera immédiatement mis en ligne sur le site du musée virtuel.
Notons, d’autre part, que cette exposition a précédemment été présentée à l’Ethnologischen Museum Dahlem de Berlin, où elle a connu un franc succès.
Il est, par ailleurs, à rappeler que ce projet né de la rencontre avec le cinéaste documentariste Thomas Ladenburger, réalisateur du film Al Halqa, qui a rassemblé, au cours de 10 années de travail, cette exceptionnelle documentation. L’exposition renoue, en outre, avec l’esprit initié par la fondatrice de Dar Bellarj, Suzanna Biedermann : «Sortir de son contexte un geste, une tradition, une pratique artistique ou artisanale, un patrimoine matériel ou immatériel marocain pour le rendre visible autrement et l’interroger ».