A propos de la politique budgétaire du Maroc : Equité fiscale et efficacité économique


Camille Sari
Mercredi 21 Septembre 2011

A propos de la politique budgétaire du Maroc :  Equité fiscale et efficacité économique
J'ai participé le 16 septembre  à une émission sur la loi de Finances 2012 et la politique budgétaire  du Maroc sur Radio Plus en compagnie de mon ami l'économiste Abdellatif Fekkak ainsi que Najib Akesbi et M.Daoudi
La loi de Finances 2012 du Maroc suscite des débats sur les priorités en matière de dépenses et aussi au niveau des recettes. Les charges s'élèvent à 290 milliards de dirhams (1€=11 DH), contre 280 milliards de recettes. Les revendications salariales et le contexte insurrectionnel dans le monde arabe ont obligé le gouvernement à prendre des mesures qui auront des conséquences, loin d'être positives sur l'économie nationale.
En l'absence de systèmes redistributifs au bénéfice des plus fragiles et des larges couches de la population, comme les aides aux chômeurs,  les allocations familiales et les pensions retraites à minima  pour ceux qui ont  peu travaillé, les subventions aux produits de première nécessité ne sont pas un luxe. Les libéraux marocains s'insurgent  contre les "dérapages" des charges de compensation qui s'élèvent à 45 milliards de dollars.  La Caisse de compensation soutient, en effet, les produits comme les hydrocarbures, la farine, le sucre, le butane,…etc. Les décideurs proposent de remplacer celle-ci par des programmes de transferts ciblés. Peuvent-ils nous expliquer comment acheminer ces aides aux familles qui vivent dans les montagnes sans routes ni même un état-civil ? Peut-on faire confiance aux responsables chargés de distribuer les enveloppes, qui ne peuvent être qu'en espèces, eu égard au faible taux de bancarisation de la population marocaine ?
C'est vrai que même si je vis en France, je passe plus de temps dans les quartiers populaires que ces experts et les milieux conservateurs et je ressens les difficultés au quotidien de la masse de la population qui est hors-circuit économique. Je conteste le chiffre du chômage autour de 9,6%. En réalité, il se situe à 30% sans compter les emplois occasionnels non déclarés et plus généralement le chômage déguisé. Lorsque vous visitez le Maroc du sud au Nord et d'Est en Ouest, vous constatez que dans chaque famille il y a une personne ou deux qui travaillent pour dix. En l'absence d'allocation chômage, les femmes et les jeunes ne se déclarent pas comme demandeurs d'emplois. Comment peut-on extrapoler le nombre d'actifs et d'inactifs dans ces conditions ?
 Les statisticiens officiels considèrent qu'en milieu rural le taux de chômage se situe à 3%. Cet été, j'ai visité des villages du Nord et du centre du Maroc et j'ai eu la confirmation de ce que tout le monde sait : oui, les paysans travaillent dur pour assurer leur autosuffisance, mais le taux d'occupation ne dépasse pas  4 à 6 mois sur 12. Ils passent plus de temps dans des travaux domestiques que dans un travail productif, sans que cela soit de leur fait.
Les revalorisations salariales (600 DH pour les fonctionnaires) ne concernent qu'une partie de la population et en excluent les paysans qui croupissent dans la pauvreté et les citadins qui vivent des petits métiers et les chômeurs. En outre, l'écart des salaires parmi les fonctionnaires est plus inégalitaire qu'en France. Cela va de 1 (salaire minimum) à 100 (salaire maximum).
L'embauche massive des  diplômés dans la Fonction publique,  si c'est pour remplacer des départs à la retraite, peut être utile, mais lorsque l'on sait que les gouvernements précédents ont encouragé les départs volontaires (avec des conséquences ubuesques), on ne peut que rester dubitatif. L'emploi "forcé" a échoué partout où il a été mis en place, notamment dans les pays socialistes. Les sureffectifs que cela génère est un facteur de découragement et de laxisme et aussi de faibles salaires. Les règles intangibles de l'économie imposent un équilibre entre les emplois dits improductifs dans le secteur non-marchand et les emplois productifs de richesses dans le secteur marchand. Je passe beaucoup de temps à expliquer dans les médias français et internationaux les causes de la crise grecque. Les gouvernements successifs de la Grèce ont accordé des salaires et des avantages aux fonctionnaires  (14 mois de salaires) et un système de retraite généreux. Protégé par le parapluie européen, ce pays a creusé ses déficits en pratiquant le laxisme dans la  collecte des impôts, au point que les riches ont transféré 200 Mds d'euros dans les banques suisses, alors que le pays croule sous une dette de 350 Mds de dollars. Le Maroc risque de tomber dans les mêmes travers si ses riches continuent à pratiquer l'évasion fiscale et si le système est gangrené par la corruption et les détournements de fonds. Si l'on s'attaque à ces fléaux, des recettes fiscales seront suffisantes pour financer les investissements publics productifs et les dépenses sociales. S'attaquer  à l'informel, pas celui du vendeur de fruits et légumes mais celui  à grande échelle, dont les instigateurs sont des gros bonnets protégés par leurs relations politiques et/ou économiques.
Un impôt sur la fortune doit être mis en place dans les plus brefs délais. Même des gouvernements de droite en Europe taxent les patrimoines. Barack Obama mène une bataille contre les Républicains pour augmenter les impôts sur les millionnaires et les milliardaires. Des riches américains et français demandent à payer plus d'impôts, non pas par charité ni par altruisme, mais ils savent pertinemment que si on privilégie le patrimoine au lieu du travail, la finance au détriment de la production, tout le système économique et social s'écroulerait. Le capitalisme sans être le meilleur du monde ni le plus humain  a introduit des mécanismes d'amortissement des tensions sociales par des allocations au bénéfice des plus fragiles et des aides aux populations déshéritées. C'est ainsi qu'il a vaincu le communisme. Mais en s'engageant vers l'ultralibéralisme et le marché sauvage et en donnant plus aux plus fortunés en sacrifiant les familles modestes, il est en crise grave. La montée de la contestation dans le monde arabe est le fruit des inégalités sociales, du népotisme, de la « hogra » et de la corruption. Ces pratiques ne passeront pas avec les jeunes générations plus instruites et dont l'accès à l'information est illimité. Quand on voit qu'un maire est en même temps le premier promoteur immobilier, le premier investisseur et le premier entrepreneur, utilisant les instruments que lui confère la loi à des fins personnelles, cela ne passe pas. Je comprends alors  l'exaspération de ces jeunes du 20 février qui manifestent, ayant en mémoire ces abus. Le monde a changé et nous ne sommes pas à l'abri d'une catastrophe financière mondiale qui emportera tout sur son passage.  Le déficit budgétaire du Maroc a atteint un niveau alarmant dépassant les 5% du PIB, alors que la norme est de 3%. Mais je pense qu'il y aura des dérapages en 2012, l'hypothèse d'une croissance entre 4,7% et 5,2% n'est pas réaliste, dans le contexte d'une récession dans les principaux partenaires européens  du pays ou du moins un fort ralentissement de leurs activités. Une pluviométrie exceptionnelle (dont on ignore en ce début de saison la réalité) pourrait faire croître ce taux de croissance mais pas aux niveaux annoncés. Tous les gouvernements successifs nous ont habitués à des chiffres insincères et des hypothèses fallacieuses. Croire qu'en 2011, le prix du baril serait de 75$  en est une illustration.
La solution n'est pas dans la compression des subventions aux produits de base, alors que les prix des matières premières et des produits agricoles flambent sur les marchés internationaux à cause de la spéculation financière que je ne cesse de dénoncer dans les médias.
Le syndrome grec doit nous interpeller. L'évasion fiscale doit cesser et une imposition des patrimoines ne serait que justice. Taxer les hauts revenus peut rapporter quelques milliards mais il faut élargir l'assiette aux propriétés  foncières et aux avoirs réels afin que tous ceux qui ont bénéficié de détournements de fonds et qui possèdent des fortunes avec de l'argent mal acquis en "restituent" une partie.
Les droits de successions sont un bon moyen pour faire le bilan des legs de biens acquis licitement ou illicitement et ce ne sera que justice d'appliquer une imposition plus forte qu'à l'heure actuelle.
Qu'on ne se trompe pas de cible. Il ne s'agit pas d'alourdir la fiscalité sur les PME et les entreprises qui investissent et qui créent des emplois. L'objectif est plutôt de faire payer les fortunés qui  se sont enrichis à la faveur d'activités parasitaires et parfois indues.
L'équité fiscale doit aller ensemble avec l'efficacité économique. Il convient de combiner une réduction des déficits tout en maintenant les dépenses à caractère social et augmenter les impôts de façon ciblée. Des économies sont à réaliser dans certaines dépenses qui profitent à certains par des détournements de deniers publics. Les budgets locaux sont à surveiller au moment où le Maroc s'achemine vers la régionalisation.
La clé de succès d'une politique budgétaire est d'assurer la solidarité entre les citoyens tout  en assurant la croissance économique. La politique d'austérité (le Maroc en a connu plusieurs versions avec les plans d'ajustement structurels que j'ai analysés dans mon dernier ouvrage) entraîne la récession  et par là même le chômage et une baisse des rentrées fiscales.
Dans ce registre, les investissements publics jouent un rôle important mais non prépondérant dans la relance économique. Leur volume global s'est élevé à 162,6 milliards de DH en 2010 contre 135 milliards de DH en 2009, soit une hausse de 20,4%. Ces chiffres sont sujets à caution. Leur rendement peut être plus productif si les fonds publics étaient utilisés de façon efficiente.
Il est certain que c'est le secteur privé qui est le moteur du développement économique à condition que les sociétés petites, moyennes ou grandes inscrivent leur action dans leur intérêt propre mais aussi dans le respect de la communauté nationale qui leur offre l'environnement adéquat. Un bilan doit être fait quant à l'impact sur  l'emploi suite à la réduction de l'impôt sur les sociétés, qui est passé de 35% à 30% entre 2009 et 2010.
Enfin le Maroc, en bon élève du libéralisme mondialiste et naïf, réduit ses tarifs douaniers et fait l'impasse sur des recettes précieuses en devises. Il n'est pas certain que l'économie marocaine soit payée en retour.
La réforme de la TVA doit aller dans le sens du relèvement des taux sur les produits de luxe et les biens de confort et une diminution des taux sur les produits de large consommation. Mais dans un pays où l'informel est dominant, une inflation de TVA induirait une recherche de dissimulation des ventes.  La proposition de la CGEM ne doit pas être suivie. En effet, la Confédération patronale propose une baisse progressive du taux supérieur de cette taxe de 20% à 16%. Pour les autres taux, la CGEM propose qu'ils soient regroupés en un seul taux "social et environnemental", se situant autour de 10%.
La Confédération demande la baisse de l'impôt sur les sociétés de 20% à 16%. Déjà que les sociétés marocaines ne déclarent pas toutes leurs recettes, un tel infléchissement ne produirait pas d'effets sur l'activité et l'emploi. Dans le même registre, une baisse de l'impôt sur les revenus n'est pas appropriée. L'impôt direct est égalitaire dès lors qu'il est progressif, et l'impôt indirect (comme la TVA) est inéquitable.
Je réitère mes propositions de relance de l'économie qui contribuera à équilibrer le budget public :
-un combat sans merci contre la corruption : gain de 2 à 4 %
- une réduction des dépenses militaires en concertation avec le voisin algérien, contribuera à un gain de 2%
-une intégration économique maghrébine : gain de 2 à 3%

 * Docteur en finance
expert en commerce
international


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1.Posté par Taddani Lakhdar le 11/10/2011 11:23
Cet Article est éxtraordinaire et éfficace je vous encourage de continuer et comptez sur moi de vous aider avec mon éxpérience de vieux associatif et n'hésiter pas à nous rendre visite à la mosquée Al-Islah 70 rue des Sorins 93100 Montreuil Tel: 0143 629570 Iphone 0634134982 Port: 0684803898
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