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Beaucoup sont nés en Grèce. A leur arrivée dans cette école "interculturelle", ils ne parlaient pas ou peu le grec. Dans leurs familles, ils ont été bercés par d'autres sons.
L'école a été créée en 1984 pour intégrer les Grecs de la diaspora de retour au pays, puis l'institution s'est ouverte à d'autres enfants sous l'effet de la vague d'immigration que connaît le pays. "Nous accueillons des enfants du quartier, des petits immigrés, et des Grecs de l'étranger. Mais, majoritairement nos élèves ont quitté le continent africain avec leurs parents pour des raisons économiques ou politiques", raconte la directrice Evniki-Eleni Riga.
"En quelques mois, ils arrivent à communiquer en grec. A cet âge, ils apprennent très vite!", relate l'institutrice Constantina Sekeri. Dans cet établissement, dont il n'existe que 25 du même type en Grèce, les enfants ne sont pas plus d'une dizaine par classe.
"Je dois adapter les leçons: utiliser des images, des jeux et répéter souvent les mêmes mots" dit-elle. Pour enseigner ici, il faut être titulaire d'un doctorat, avoir suivi des séminaires sur l'éducation aux non-grécophones, et posséder un bon niveau d'anglais.
Miracle, 9 ans, née en Grèce de parents nigérians, a d'abord cotoyé d'autres bancs: "J'ai fait mon CP (classe préparatoire) au centre d'Athènes et je n'ai pas réussi à apprendre à lire. Je ne m'y sentais pas bien".
Alexandros, son camarade d'origine géorgienne, a lui aussi été chahuté dans son ancienne école: "Tous les autres élèves se moquaient de moi parce que je ne parlais pas grec. Je me battais avec eux...".
Les problèmes surgissent souvent quand les enfants doivent réintégrer leurs colléges de quartier, déplore l'institutrice: "Ils font alors face au racisme et sont moins encadrés. Ils doivent suivre des cours d'un niveau plus élevé". Certains préfèrent retarder leur départ. Au bout de deux ans, ils devraient rejoindre une classe "normale" mais ils font souvent tout leur primaire dans cette école.
Des enfants aux parcours heurtés se reconstruisent ici. Débarqué de Syrie en septembre avec ses parents fuyant la répression du régime Assad, Jacques, en classe de cours moyen 1, ne bafouille que quelques mots de grec.
Mais c'est avec la crise en Grèce, que les situations difficiles à gérer se multiplient. "Beaucoup d'enfants n'ont pas à manger chez eux", note l'institutrice. "Les enseignants se sentent obligés de leur acheter des en-cas à la boulangerie".
L'institutrice elle-même est touchée: son salaire est tombé à 850 euros contre 1.200 avant la crise. "Mon travail devient de plus en plus difficile. Il faut oublier ses soucis personnels et donner le goût d'apprendre à des élèves, préoccupés par leurs propres problèmes".
Pas tous les jours faciles. Face à la montée du chômage, nombreuses sont les familles immigrées qui rebroussent chemin ou tentent de rejoindre des horizons plus prometteurs. La directrice s'inquiète: "Le nombre de nos élèves baisse. Chaque mois, un enfant nous annonce qu'il a l'intention de partir".
C'est le cas de Niki, 9 ans, d'origine srilankaise: "Mes parents n'ont plus de travail ici et veulent nous emmener en France, où sont déjà installés des amis. C'est mieux là-bas...".
Son compatriote de 14 ans, Madu, va quitter, lui aussi, la Grèce: "On va retourner au Sri Lanka. Ma mère fait des ménages et mon père est dans la construction. Mais, en ce moment, ils ont moins de travail (...) Je voudrais rester en Grèce. Je ne suis jamais allé au Sri Lanka".
La fermeture attendue à la rentrée 2012 de ces établissements interculturels, présentés comme uniques en Europe, est encore en discussion au ministère de l'Education nationale. La troïka et les coupes budgétaires sont passées par là.
Niant les raisons économiques, l'argumentaire des pouvoirs publics en faveur de la fermeture insiste sur le fait que "ce devrait être le rôle de toutes les écoles d'intégrer les enfants immigrés".
Or, des classes d'intégration prévues dans tous les établissements, à l'image des classes d'initiation pour non-francophones (Clin) en France, ont aussi fermé à cause de la crise.