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D'autres établissements du même type existent ailleurs en Europe, dont une dizaine en Italie notamment, mais en France c'est une première. Et, grâce à un vaste écho dans les médias et sur les réseaux sociaux, "Le Reflet" ne désemplit pas depuis son ouverture.
A l'entrée de ce petit restaurant aux murs en pierre et au mobilier flambant neuf, situé en plein coeur de Nantes, des clients viennent de passer commande. Ils ont le choix entre trois entrées, deux plats et trois desserts proposés au menu du jour.
Antoine, 35 ans, tablier noir autour de la taille, file en cuisine, puis revient avec de l'eau, du pain et des verres à vin, prolongeant l'échange avec les cinq clients, dans une bonne humeur partagée: "C'est bien de rire dans la vie, ça défoule", lance le serveur.
En intégrant un Esat (Etablissement et service d'aide par le travail), il a pu cumuler des expériences de travail, toujours en milieu protégé. Mais son nouveau poste au Reflet, bien que "très compliqué" selon lui, a "tout changé", dit-il.
Novices dans la restauration, Antoine et ses cinq collègues serveurs, tous âgés d'une vingtaine d'années, ont "appris les fondamentaux" pendant un mois, avant l'ouverture des portes. "Des gestes anodins répétés 100, 200 fois", du découpage de légumes au dressage de tables, qu'il faut encore parfois reprendre, souligne le gérant, Thomas Boulissière, "ébahi" par leurs progrès.
Dans la salle de 36 couverts et en cuisine, tout a été "pensé et adapté pour les personnes trisomiques": des assiettes ergonomiques pour plus de stabilité, une prise de commandes simplifiée pour les serveurs qui ne savent pas tous lire et écrire, une carte réduite, mais aussi une salle de repos et une semaine de travail réduite à 24 heures, égrène Flore Lelièvre, 26 ans, à l'origine de l'établissement.
Cette ancienne étudiante en architecture d'intérieur, dont le frère aîné est atteint de trisomie, a imaginé ce lieu à la fin de ses études pour "créer une rencontre avec le reste de la société" et "faire tomber des préjugés, montrer que ces personnes peuvent travailler comme vous et moi et qu'elles ont beaucoup de choses à nous apporter", explique la jeune femme à l'AFP.
Après avoir récolté plus de 400.000 euros en quelques mois auprès d'investisseurs et de donateurs, son projet de "restaurant extraordinaire" est devenu une réalité. Une campagne de financement participatif a par ailleurs permis de réunir 20.000 euros, qui ont servi à l'achat d'une partie de la vaisselle.
En cuisine, la chef Farida Blondel, également éducatrice, donne d'une voix tendre ses instructions à ses aide-cuisiniers: "Allez, vous vous lavez les mains". "Aujourd'hui, on est super à la bourre, mais c'est pas la peine de les stresser encore plus", glisse la cuisinière du Reflet, qui a appris à être "plus patiente et plus à l'écoute". "On les encourage, on les réconforte, on les félicite et eux ils m'apportent une bonne énergie au quotidien, par leur douceur et leur attention. Quand je suis angoissée, ils me rassurent", raconte la chef, délaissant ses fourneaux pour une étreinte avec Pauline Bibard, devenue en quelques semaines la reine du "moelleux au chocolat sauce carambar".
Encore "un peu perdue dans les numéros de tables", Caroline Chollet, 25 ans, confie "qu'il faut aller très vite". "Mais je m'améliore", dit-elle. "C'est génial pour moi. J'avais envie de grandir davantage, ma maman m'a beaucoup poussée pour travailler en milieu ordinaire, je pense que c'est une chance", explique fièrement la jeune femme, qui partage son service du midi entre la salle et la plonge.
Le Reflet affiche déjà complet, quatre midis et trois soirs par semaine, jusqu'au printemps. "Ça fait le buzz, alors que ça devrait être banal. Ça prouve qu'il y a encore du chemin à faire" pour changer le regard sur le handicap, constate Flore Lelièvre. Elle espère faire des émules ailleurs en France.